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nomination. Elle s’exécute dès que l’arbre commence à être en sève, & l’on choisit alors un œil sur un bourgeon d’un arbre franc, œil qui n’a pas encore poussé.

II. La greffe en écusson à œil dormant se pratique lorsque l’arbre est en pleine sève & elle ne diffère de la précédente que parce que la feuille, (voyez ce mot), mère nourrice du bouton, est développée & couvre de sa base l’œil qui doit pousser au printemps de l’année suivante. La Figure 13 représente cet écusson. A, désigne l’œil, & B la queue ou pétiole de la feuille qu’on a coupé exprès & qu’il faut ainsi couper, puisque ce n’est plus à elle que sera confiée la nourriture de l’œil. On l’a appelé dormant, parce qu’il reste engourdi & comme dormant jusqu’au retour des premières chaleurs du printemps suivant.

Soit que l’on greffe en écusson à la pousse, soit à œil dormant, on peut placer deux greffes sur le même sujet, aux deux côtés opposés ; mais non pas sur la même ligne, l’une doit être plus haute que l’autre. Pour suivre l’ordre de la nature, on fera très-bien d’observer le même espace entre les deux greffes, que la nature conserve d’un œil à l’autre.

Cette greffe diffère encore de la précédente, en ce que dans la première on abat la partie de la branche supérieure à l’écorce, tandis que pour celle-ci on la conserve jusque vers la fin de l’hyver prochain ; alors on la rabaisse à cinq ou six lignes au-dessus de l’œil qui a dormi jusqu’à cette époque, & qui ne tardera pas à s’ouvrir & à pousser un jet vigoureux au moment que la chaleur viendra ranimer la végétation.

Ce n’est pas assez d’avoir écrit le mécanisme de chaque espèce de greffes, je dois actuellement entrer dans des détails plus circonstanciés sur le temps de greffer & la préparation des greffes.


CHAPITRE II.

Observations sur les Greffes.


Section Première.

Des époques auxquelles on peut greffer.


Indiquer tel ou tel mois pour greffer, par exemple, en écusson à la pousse où à œil dormant, ce seroit induire en erreur le commun des hommes, parce qu’en agriculture, aucune proposition générale n’est admissive ; je l’ai souvent dit & en voici une nouvelle preuve. Supposons pour un instant que je ne connoisse que la Provence, que le comtat d’Avignon, le Languedoc & le Roussillon, en un mot, nos Provinces méridionales les plus chaudes & où la végétation est plus hâtive & plus active que dans le nord : j’avancerais alors hardiment que telle ou telle espèce d’arbre peut être greffée à la fin de février ou au commencement de mars ; mais si j’habitais la Flandre ou l’Artois, &c. & que je ne fusse jamais sorti de ces Provinces, j’accuserois à coup sûr d’erreur l’écrivain des pays du midi de la France, qui s’est imaginé que toutes les provinces du royaume ressembloient à la sienne, ou peut-être le condamnerois-je, si je ne faisois pas la différence des positions.