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craindra peu que les racines tracent horizontalement. Quand abandonnera-t-on donc la mauvaise habitude de tailler & de mutiler les racines des arbres qu’on veut planter ? Je me suis déjà plus d’une fois récrié contre cet abus, & je ne cesserai de le combattre autant de fois que l’occasion s’en présentera.

On voit dans plusieurs provinces du royaume, & dans quelques cantons de Normandie, surtout, une excellente manière de former, non pas des haies, mais des clôtures qui s’élèvent & deviennent si touffues, que le voyageur ne distingue souvent une habitation ou village même que par son clocher qui s’élève au dessus des arbres. Tout autour de l’héritage que l’on veut enclorre, on élève une butte en terre, d’une à deux toises, & la base est deux tiers plus large que la butte n’est haute. On commence à planter des chêneaux sur l’arrête de la bute, à six pieds de distance les uns des autres : à quelques pieds au-dessous est planté un nouveau rang, un troisième toujours en descendant, enfin le dernier au niveau du sol. Ces arbres plantés près à près sont obligés d’élancer leurs tiges, elles montent droites, & forment une belle quille. Mais, comme insensiblement ces tiges resteroient trop minces & trop fluettes, & qu’il n’y auroit aucune proportion entre le diamètre du tronc & sa hauteur, on coupe par le pied un arbre entre deux. Alors les branches, depuis le pied jusqu’au sommet, ont la liberté de s’étendre & de grossir ; le tronc grossit à proportion, & devient par la suite d’un beau jet. À mesure que ce tronc prend une certaine consistance, la hauteur une fois formée, on diminue & supprime graduellement les branches du bas, qui consommeroient une grande partie de la sève, & affameroient celles du haut, avec une précaution aussi simple qu’ingénieuse. Les propriétaires parviennent à avoir le bois de chauffage nécessaire à la consommation de leur métairie, & d’excellent & de magnifique bois de charpente, lorsque le temps est venu d’abattre ces arbres. Lorsqu’ils ont été coupés par le pied, on est libre de les laisser former par la suite un bon taillis, ou de convertir les pousses en grands arbres en supprimant les surnuméraires. Si on prend la peine d’entrelacer les branches du bas, on a une haie ou clôture qu’aucun animal ni aucun homme ne sauroit franchir ; de pareilles clôtures réussiront toujours très-mal dans les pays où les pluies sont rares & le terrain maigre & naturellement sec.

Je ne parle pas du cornouiller ou sanguin, du fusain ou bonnet de prêtre, du troëne, du lilas, du seringa, du sécuridace ou émerus, &c. À moins que ces arbres ne soient employés seuls, ils nuisent plus aux haies qu’ils ne sont utiles, ainsi que la rose de gueldres, & les rosiers sauvages.

L’arbre de Judée, le lentisque, le laurier-franc, le laurier-cerise, l’arbousier, le myrte, &c. réussiront à merveilles dans les provinces du midi, si on sait les conduire, ainsi que le laurier-thym.

Section II.

Des Arbres & Arbustes épineux.

Ici, comme sur tous les points