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& qu’elle les conduise insensiblement de la maigreur à la mort : voilà quant à la loi de végétation. Quant à la force, l’effet est le même. Le groseillier épineux, par exemple, ne peut, dans aucun cas, toutes circonstances égales, s’élever aussi haut que l’aubepin ; le sureau écrasera celui-ci ainsi que le prunelier ; & la ronce les anéantira tous, parce que la vigueur de végétation est très-inégale entre ces individus ; le plus fort dévore le plus foible. Deux pieds de sureau dans une haie, en détruiront dix dans leur voisinage. Un accident brise une grosse branche de sureau, & de plusieurs années ensuite il ne sera pas possible de reboucher cette trouée, puisque les autres plants voisins sont morts, ou si débiles, que leurs pousses annuelles sont de peu de valeur. Laissez une ronce, une clématite, un smilax, (voy. ces mots) prendre pied dans une haie, ils en seront bientôt les tyrans & les destructeurs. Ces plantes ont dans le commencement demandé un léger soutien à la haie ; par son secours elles ont étendu leurs rameaux, & finissent par s’emparer de toute la superficie ; elles seules jouissent des bienfaits de l’air & de la lumière, & la haie qui périt insensiblement, n’est plus que leur support & leur esclave. Enfin, un coup de vent brise le bois, & tout périt à la fois. Admettons, pour un instant, que la caducité de cette haie ne soit pas aussi prompte que je l’avance, & qu’elle serve de clôture ; mais on n’en perd pas moins le bénéfice de la tonte qui seroit renouvelée tous les quatre ans. La conséquence à tirer de ces exemples, est qu’on ne doit, dans aucun cas, entremêler les plants, & qu’une haie doit être faite d’une seule & même espèce de sujet.

Chaque année, après la plantation ou après le semis, les plants seront travaillés de chaque côté, à la profondeur d’un fer de bêche, afin de détruire les racines qui commenceront à tracer ; il convient de les forcer à s’enfoncer en terre ; elles craindront moins, dans la suite, la sécheresse & les insectes rongeurs.

Sarcler souvent est une opération indispensable ; & il est plus indispensable encore, si on craint la dent des troupeaux, d’environner les semis ou les plants enracinés, avec une espèce de haie morte & piquante. L’interruption dans la végétation, ou cette espèce de taille faite à contre-temps, lui nuit beaucoup. Si les jeunes pousses sont broutées par des chèvres, il n’y a presque plus rien à en attendre.

On ne doit pas se presser de faire monter les tiges, de les faire gagner en hauteur, à moins qu’on ne se propose de les conduire comme il sera dit dans le Chapitre troisième. Il convient donc de laisser pousser toutes les branches latérales qui partent près du pied, & on les arrêtera seulement dans le cas où ces branches gagneraient trop en force & amaigriraient les mères-tiges.

Si on a soin, chaque année, de travailler les plants, de les sarcler au besoin, & de leur donner des arrosemens, suivant les circonstances, on est assuré qu’à la quatrième année, les tiges auront au moins de cinq à six pieds de hauteur, pour peu que le sol soit bon. Cependant cette belle élévation deviendroit la cause de la destruction de la haie, si on n’avoit pas l’attention