Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/447

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pas, ou s’il y gèle, la nature prévoyante a donné pour loi à leurs graines de germer, de pousser leurs tiges, lorsque la chaleur de l’atmosphère est à un certain degré, & les nouvelles plantes ne craignent plus les froids tardifs qui les feroient périr. La même loi est établie pour toute espèce de plante lorsqu’elle végète dans son pays natal, & cette loi ne subsiste plus qu’en partie, lorsqu’on la transporte sous un ciel étranger, & dans un climat différent. Le degré de chaleur de l’atmosphère, qui anime la végétation du haricot, & développe son germe, soit en Chine soit en Amérique, &c. est le même en Europe, avec cette différence cependant que dans ces pays éloignés la plante ne craint plus les effets des gelées tardives comme en Europe, qu’elle commence à y végéter à la fin de leur hiver, & qu’en Europe elle est obligée d’attendre la fin de son hiver, époque très-différente de la première. Dans son pays natal il suit la saison ; en Europe il est obligé de se conformer à celle qu’il trouve. Il résulte de cette contrariété, que si on ne se hâte pas de semer de bonne heure, on court les risques de ne pas voir mûrir le haricot sur pied ; le haricot d’Espagne en fournit un exemple frappant, sur-tout dans nos provinces du nord ; mais les chaleurs surviennent coup sur coup ; si elles pressent trop la végétation du haricot, il fleurit mal, sa gousse se dessèche, & offre dans son intérieur une semence étique, mal conformée, & presque incapable de se reproduire. Ces considérations indiquent à l’observateur quelle doit être l’époque des semis des haricots, & prescrit en général sa culture. On ne peut donc pas fixer définitivement tel ou tel mois pour les semis, puisque cette règle deviendroit abusive, à moins qu’on n’écrive pour un seul & unique canton ; mais il y en a une qui ne trompe jamais le cultivateur intelligent, c’est l’époque à laquelle il est presqu’assuré qu’il ne gèlera plus dans son canton. On m’objectera sans doute les funestes & tardives gelées du printemps ; elles sont l’exception de la loi générale ; heureusement ces cas sont rares, & le plus habile observateur ne peut les prévoir. Il s’agit donc de parler pour les années communes, & non pas de celles qui portent la désolation dans les campagnes. On ne sauroit trop tôt semer les haricots dès qu’on ne craint plus les gelées, parce que dans nos provinces du nord ils auront le temps de mûrir, & dans celles du midi, de n’être pas surpris par les grandes chaleurs, presqu’aussi funestes que les gelées : de ces généralités passons à la pratique.


Section Première.

De la Culture potagère.


Les amateurs ou les propriétaires aisés, ou enfin les cultivateurs qui trouvent un salaire proportionné à leurs avances, & à leurs travaux dans la vente des primeurs, peuvent devancer la saison des semis en se servant des couches, (voyez ce mot) recouvertes par des châssis ou par des cloches. Par ces moyens dispendieux, ils devancent l’ordre des saisons, & ils mettent leurs haricots en pleine terre lorsque les autres commencent à les semer. Ils jouissent plus promptement & plus long-temps.