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humeurs, pour pouvoir espérer d’en venir à bout. Ce sera toujours en vain qu’on emploiera les autres secours que la chirurgie met en usage en pareil cas.

Mais supposons que la fracture vienne de cause externe, & qu’on ait eu l’attention de diminuer tous les accidens qui sont survenus, il faut alors en venir à la réduction.

Il est peu de Chirurgiens habiles qui soient chargés de la faire, surtout dans les campagnes ; c’est toujours à quelqu’ignorant que le peuple s’adresse ; & il est pour l’ordinaire la dupe de ces guérisseurs qui sont toujours les fléaux de l’humanité souffrante. On ne doit jamais se confier à de pareils opérateurs, sur-tout quand on est à portée de quelque chirurgien habile & expérimenté. Il connoîtra l’espèce de fracture, & d’après cette connoissance, il appliquera l’appareil le plus convenable.

La nature, aidée par les secours de l’art, pourvoit à la réunion des os ; mais il faut lui donner le temps nécessaire à la perfection de son ouvrage, & ce temps varie selon la grosseur des os : les petits peuvent être réunis dans quinze ou trente jours ; mais pour les gros, il faut au moins quarante, cinquante jours, quelquefois deux mois révolus, pour compter sur la solidité du cal.

La guérison plus ou moins prompte des fractures, est toujours en raison de leur simplicité, de la bonne ou mauvaise constitution du malade.

Le régime de vie doit encore varier selon l’étendue de la fracture ; il doit être sévère, si l’os fracturé est considérable ; on ne doit point permettre au malade l’usage des alimens solides, sur-tout les premiers jours, pour empêcher la fièvre qui pourroit survenir, & même l’inflammation. On lui donnera des lavemens afin de lâcher le ventre, & dans la même vue, on lui permettra de manger quelques pruneaux, des pommes cuites, & autres fruits de pareille nature. Il faut encore saigner le malade après une fracture, sur-tout s’il est pléthorique, s’il y a des contusions, des ecchymoses & meurtrissures.

Quand la fracture est située sur la cuisse ou sur la jambe, il faut alors qu’il reste couché jusqu’à ce que les os se soient réunis ; il est vrai que cette situation est très-gênante, qu’elle énerve les forces, & qu’elle endommage quelquefois le malade ; mais il vaut mieux préférer ces accidens, quand on ne peut point les éviter, que de s’exposer à une nouvelle fracture, parce qu’il est à craindre que, par le moindre mouvement qu’il fera lui-même, ou celui qui lui soutiendra la jambe, l’action des muscles ne dérange les portions d’os de leur place. Il faut tenir le malade proprement, & empêcher que l’humidité ne puisse lui nuire.

La posture qui convient le plus au malade, est celle dans laquelle le membre est un peu plié ; c’est la position de tout animal quand il dort, & dans laquelle les muscles sont relâchés. C’est ainsi qu’on place le membre fracturé en couchant le malade un peu sur le côté, & en faisant le lit de manière à favoriser cette situation.

Les fractures les mieux soignées n’ont pas toujours d’heureux succès ; la réunion en est quelquefois im-