Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/508

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mède des sels, & la disperser dans l’immense réservoir atmosphérique. La solution tient à ceci : la perte des principes existans dans la terre égale-t-elle le recouvrement qu’elle en fait en absorbant ceux de l’atmosphère ?

Labour d’été vaut fumier, dit un ancien & très-bon proverbe de nos agriculteurs, & ils ont raison, puisque c’est dans cette saison qu’il existe plus de chaleur, que la lumière du soleil agit le plus longtemps sur la terre, que l’air est plus chargé d’électricité, enfin, que la terre reçoit en plus grande abondance les impressions météoriques ; mais ces labours, si justement préconisés, ne doivent pas être fréquens à cette époque, sans quoi ils nuiroient plus qu’ils ne seroient utiles ; d’ailleurs, les mauvaises herbes sont rares dans cette saison, & leur petit nombre n’oblige pas à multiplier les labours. Je n’ai cessé de répéter que les meilleurs labours étoient ceux faits immédiatement avant l’hiver, aussitôt après l’hiver, au printemps, dans le milieu de l’été, & au moment de semer. Certes, d’un intervalle à l’autre, la terre, quoique sillonnée, a le temps de se tasser, de former une croûte qui s’oppose à une trop libre évaporation. Si d’un labour à un autre il survient une ou plusieurs pluies, il est clair que cette croûte aura assez de consistance pour s’y opposer. Je ne veux pas dire qu’il n’y aura aucune évaporation, cela est impossible, autrement la terre resteroit toujours pénétrée d’eau, & jamais son humidité ne se dissiperoit.

La comparaison de l’évaporation par les sillons n’est pas exacte avec la distillation, ni même avec l’évaporation des fumiers frais & amoncelés. Dans les deux cas, la chaleur est extérieure ou intérieure, & elle est infiniment plus forte que celle des émanations du soleil, reçues par la terre. Il faut que l’eau ait acquis le degré 80 à 90 pour bouillir, ainsi que pour en séparer l’esprit ardent promptement & en grande masse. Dans quel pays la terre reçoit-elle une égale chaleur, & même dans quel pays acquiert-elle la chaleur du fumier en fermentation ? En vérité, c’est donner dans l’extrême, & d’une proposition qui peut, en quelque sorte, être vraie dans sa généralité, en faire des applications erronées, fausses & dangereuses. La plupart des écrivains sur l’agriculture n’ont pas assez réfléchi sur la circulation perpétuelle de l’évaporation des fluides de la terre dans l’atmosphère & l’absorption que la terre fait à son tour de ces mêmes fluides devenus aériens, & différemment combinés de ce qu’ils étoient lors de leur sortie de la terre. J’ose dire que de cette agissante & continuelle circulation, dépendent en très-grande partie la fertilité des terres & la beauté de la végétation. En voici une preuve sans réplique. Boyle mit une branche de saule dans un vase plein de terre, qu’il avoit pesé exactement. Au bout de cinq ans, cette branche avoit acquis 165 livres de poids ; & la terre n’avoit pas perdu deux onces du sien. Cette plante avoit donc puisé sa substance, ou dans l’eau dont on l’avoit arrosée, ou dans l’air. Hales poussa l’expérience plus loin : il pesa également la terre & la quantité d’eau employée chaque fois à l’arrosement d’une