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même branche de saule ; enfin, en dernière analyse, il vit clairement que le poids de la branche excédoit de beaucoup & celui de l’eau & des arrosemens, & celui de la terre.

D’après ce qui vient d’être dit, je crois pouvoir conclure avec raison qu’on ne sauroit ouvrir de trop larges sillons, leur donner la plus grande surface, afin de leur faciliter la plus forte absorption possible des influences météoriques, par conséquent que les hersages sur chaque labours, sont aussi nuisibles que les trop fréquens labours.

J’ai insisté sur ces objets, parce que cette préjudiciable coutume existe dans plusieurs de nos provinces, & qu’elle est conseillée par plusieurs auteurs qui parlent agriculture du fond de leur cabinet, & qui n’ont jamais suivi la marche de la nature. Ils ont poussé encore plus loin la singularité, puisqu’ils ont été jusqu’à dire que herser fréquemment tenoit lieu de labours.

Si les mottes de terre sont un obstacle au labourage, rien n’empêche de herser à une ou à plusieurs reprises, au moment & avant de labourer ; dans ce cas l’opération est bien vue, & elle est très-utile. Mais elle suppose qu’on se servira de herses fortes, pesantes, ou rendues telles par l’addition de quelque poids, sans quoi la herse légère voltigerait sur les mottes & ne les écraseroit pas. Herser avant de labourer réunit encore l’avantage d’arracher & d’entraîner à l’extrémité du champ une infinité de mauvaises herbes qui embarrasseroient la marche de la charrue.

Lorsqu’on a semé ou pendant qu’on sème le blé, s’il survient une pluie capable d’imbiber la terre, on doit attendre, pour passer la herse, que le sol soit ressuyé, & préférer de voir quelque grains de blé enlevés par les oiseaux ou par les fourmis, plutôt que de serrer & pétrir cette terre sans bien recouvrir le grain.

Après les gelées d’hiver, c’est le cas de herser les blés, ou plutôt d’y faire passer le rouleau. L’effet des gelées est de faire occuper un espace plus grand à la terre humectée, une plus grande surface, un plus grand diamètre que ceux qu’elle avoit auparavant. La gelée en soulève les molécules au moyen de l’eau glacée. Plus la terre sera humectée à cette époque, & plus le collet des racines du blé sera déterré ; alors le rouleau affaisse la terre & chausse les racines, mais il ne faut pas opérer lorsque la terre est encore trop humide ; on en sent assez les raisons sans les détailler.

Quelquefois, malgré les plus grands soins, la herse ne peut briser ces grosses mottes durcies par la sécheresse ; si la herse les enterre dans les sillons, le grain qui se trouvera dessous ne pourra germer, ou bien s’il germe, il lui sera impossible de vaincre l’obstacle qu’il rencontre, & il périra. La prudence exige dans ce cas, qu’avant de semer le champ on y fasse passer des femmes armées de maillets de bois, à long manches, & capables de briser ces mottes ; on sèmera, on hersera ensuite, & s’il le faut, les femmes recommenceront l’opération du maillet. Cette précaution est souvent de rigueur dans les provinces méridionales où on se hâte de profiter des pluies casuelles de l’été pour labourer.