Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/558

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peine rendoit-il l’eau, dans laquelle on la méloit, de couleur opale : la même expérience faite sur de l’huile d’olive gardée, mais que le goût n’apercevoit point encore rance, fournit à l’esprit de vin assez d’huile éthérée pour blanchir assez fortement l’eau où on le mettoit. L’huile de colza, de navette, &c, vierge & récente, donna au contraire, d’abord à l’esprit de vin, assez d’huile éthérée pour blanchir l’eau, & cette blancheur étoit toujours augmentée en raison de la rancidité des huiles, soit de graine, soit d’olives, employées dans ces expériences.

La graine de colza, de navette, &c, macérée dans l’esprit de vin, donnoit une teinture qui blanchissoit très-fortement l’eau où on la mettoit : il y précipitoit même des grumeaux blancs, ce qui indique dans ces semences non-seulement l’huile éthérée, mais encore, que cette huile y est contenue dans une combinaison résineuse. En effet, la teinture évaporée a fourni une résine. Cette résine est très-apparente dans la pellicule qui recouvre l’amande, fruit de l’amandier, ainsi que l’huile éthérée ; c’est la raison pour laquelle cette huile rancit si promptement. Il faut encore ajouter à cette cause la précipitation de son mucilage par l’absence de cette partie d’air fixe qui formoit le lien de la masse générale.

Les huiles grasses retirées des graines, sans chaleur & avec toutes les précautions possibles pour ne pas les altérer, contiennent donc naturellement une petite portion d’huile éthérée, principe d’âcreté & de rancidité. Le défaut de mucilage suffisant pour la lier & la combiner de même que dans l’huile grasse parfaite, est peut-être aussi la raison qui fait que cette huile ne se coagule qu’à un grand froid. Les huiles qu’on retire des semences qui fournissent en même temps l’huile grasse & l’huile éthérée, se coagulent aussi difficilement. Les huiles éthérées ne se coagulent jamais ; & leur résine se précipite au contraire plus en été qu’en hiver : c’est aussi pourquoi plus ces huiles grasses sont rances, plus elles sont limpides, donnent moins de fumée en brûlant, & sont à préférer dans les préparations des laines où l’objet est de dissoudre des enduits & vernis graisseux déjà très-mucilagineux, & où par conséquent les huiles grasses les plus parfaites auroient moins d’action dissolvante.

Les huiles de graines les plus parfaites pour les apprêts des alimens, seront donc celles dans lesquelles les principes constitutifs seront unis dans la plus juste proportion ; elles seront agréables au goût & à l’odorat, si on leur enlève, avec le principe âcre & caustique, celui de l’odeur fatigante, soit de chou, soit de navette, soit de moutarde, &c. Enfin, le second but, aussi essentiel que le premier, consiste à les conserver le plus long-temps possible sans défaut. Jusqu’à présent je me suis occupé à établir en abrégé, une théorie que j’ai, autant qu’il m’a été possible, mise à la portée de tous mes lecteurs ; il me reste actuellement à traiter de la pratique résultante d’une théorie fondée sur des expériences, & que je crois démontrée jusqu’à l’évidence.