Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/565

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mèche, & peut-être que si j’eusse attendu un jour de plus, l’air qui s’échappoit, auroit été entièrement air fixe ou air mortel, ou air méphitique, tout comme on voudra l’appeler. Peut-être encore que si l’endroit qui recéloit dans un de ses coins ce grenier à olives, n’avoit pas été aussi vaste, aussi aéré, l’air méphitique auroit pris le dessus sur l’air atmosphérique, & l’auroit entièrement vicié. Voilà donc une grande partie du puissant conservateur des corps & de l’huile en particulier, dissipée sans retour. Ce n’est pas tout : à mesure qu’on levoit ces olives agglutinées par lits, par paquets, on voyoit des couches blanches de moisissure. Il est inutile de dire que l’huile que j’en obtins étoit détestable. Que doit donc être celle dont les olives sont amoncelées pendant des mois entiers ? Avant qu’on entamât ce monceau d’olives, il s’étoit affaissé de plus de 15 pouces. Si on me demande pourquoi je n’avois pas agi d’après mes principes pour la fabrication de mon huile ? je réponds : je voulois connoître, par ma propre expérience, les dégradations successives de qualité que les olives éprouvent, & juger plus sûrement des mauvaises qualités que des manipulations absurdes impriment à l’huile avant de les porter au moulin.

Je dis plus. La fermentation trop long-temps continuée diminue de beaucoup la quantité de l’huile, en raison de son degré de chaleur. L’expérience de comparaison est si facile à faire, qu’il est inutile d’insister sur cet objet. Somme totale, ce procédé nuit essentiellement à la quantité & à la qualité.

Si les circonstances obligent de garder les olives pendant long-temps, étuvez-les ainsi que je l’ai dit, & ce qui vaut encore mieux, ayez un faux plancher percé de trous, afin d’établir, sous ce faux plancher, un grand courant d’air qui pénétrera à travers les olives & les empêchera de fermenter. Cette précaution rendra l’huile moins mauvaise, si les olives restent long-temps dans cet état.

On a poussé l’absurdité jusqu’au point d’établir des règles sur l’amoncèlement, en voici la substance : 1°. À mesure qu’on recueille les olives, on doit les enfermer dans des endroits non humides & pavés, mais jamais sur le terrain ; elles contracteroient alors trop d’humidité ; il faut que la pièce soit spacieuse, relativement à la quantité d’olives que l’on y renferme, & il seroit à propos qu’elle fût aérée. (Dans la supposition que l’amoncèlement soit nécessaire, ces précautions sont utiles & bien vues).

2°. Si les olives sont mûres, & que l’année ait été humide, qu’elles ayent été ramassées avec la pluie, il ne faut pas leur donner plus de deux pieds d’épaisseur, & il faut les porter au moulin dès qu’on en a une pressée ou deux sur-tout, si les arbres sont plantés dans un terrain gras & humide. (Article très-bon à l’amoncèlement près).

3°. Si au contraire les olives ont été cueillies vertes & avec un temps sec, après une saison non pluvieuse, & dans des terrains arides, on peut les accumuler davantage, leur donner une plus grande épaisseur, & les laisser plus long-temps dans les pièces avant de les porter au mou-