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une portion d’huile, pour être mélangé ensuite dans la masse. Les proportions qui m’ont paru les plus convenables, sont de six onces de sucre sur cent livres d’huile ; mais il faut observer, que si l’huile est déjà rance, où qu’elle n’ait pas été faite avec les précautions indiquées, ce mélange devient très-désavantageux, puisqu’il développe encore plus le goût & l’odeur que les huiles peuvent avoir.


Section V.

Existe-t-il des moyens de corriger la rancidité.


Toutes les méthodes pour corriger la rancidité d’une huile très-rance & très-forte, se réduisent, suivant la théorie que j’ai établie, à enlever de cette huile le principe de l’odeur désagréable qui réside dans l’huile éthérée, dans les résines mises à nu par l’abandon du mucilage occasionné par la perte de l’air fixe. Je n’ai trouvé que les esprits ardens, capables d’opérer cet effet sans inconvénient, & même sans que le procédé soit dispendieux, comparé avec l’avantage qui résulteroit de la bonification de l’huile.

J’ai fait chauffer de l’huile de graine, très-rance, environ une livre séparée de son dépôt, dans un matras de verre à long col, sur les cendres chaudes & tamisées. L’huile étoit surmontée de deux doigts par l’esprit de vin. J’agitai fortement le vase quand cette huile eut perdu beaucoup de bulles d’air, & lorsque toute la masse fut assez chaude, pour faire frémir l’esprit de vin sans le faire bouillir. Je séparai alors l’huile de l’esprit de vin pour ajouter de nouvelle huile, & cet esprit de vin enleva à toutes deux le principe de l’odeur de la rancidité. Ces huiles sont devenues limpides, moins colorées, & n’avoient aucun mauvais goût ni odeur désagréable.

L’esprit de vin que l’on a employé dans ce procédé, qui est chargé d’huile éthérée, & peut-être de résine, n’est ni perdu ni altéré en le traitant de la manière suivante. Il faut l’étendre dans six parties d’eau de chaux légère ; séparer l’huile éthérée qui surnage cette eau après le mélange ; la filtrer sur de la chaux lessivée. Cette eau déposera son principe huileux, & par la distillation on retirera & on séparera l’esprit de vin de l’eau dans laquelle on l’avoit mêlé ; alors il est aussi pur, aussi inodore que dans son premier état.

On conclura que la dépense & les pertes ne sont pas considérables, si on se rappelle que nous avons dit que les huiles les plus rances, contiennent très-peu de cette huile éthérée. Il faudra donc employer peu d’esprit de vin pour la dissoudre, & quand cette opération sera faite en grand, elle sera alors lucrative, relativement au prix de ces huiles douces ou rances, & aux moyens indiqués pour conserver l’esprit de vin.

La chaleur que l’on a fait subir à l’huile dans cette opération, est peu considérable. Je l’ai d’ailleurs réitérée à froid avec une plus grande quantité d’esprit de vin, sans y trouver un amendement bien avantageux. L’altération que l’huile est susceptible de prendre par l’action de cette chaleur douce, trouve en même temps son correctif dans l’esprit de vin.