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peut-être tous ces mouvemens spontanés ne sont-ils l’effet que de l’irritabilité ; mais il en est d’autres que l’on ne peut se refuser de reconnoître pour tels, & qu’il faut bien distinguer des effets de l’élasticité, & de la force morte sur-tout.

La fibre végétale est douée de flexibilité, d’élasticité, de la force morte que l’on nomme rétraction, & de la distractilité par laquelle elle peut s’alonger jusqu’à un certain point, en faisant, néanmoins, un effort continuel pour retenir toutes ses parties, & empêcher leur séparation. Elle partage donc avec la fibre animale toutes ses propriétés, pourquoi seroit-elle privée de la principale, de l’essentielle, de celle qui tient le plus à la vie ? La fibre musculaire est composée d’élémens terrestres & d’une mucosité gélatineuse ; tous les physiologistes conviennent que c’est dans cette dernière partie que réside l’irritabilité. La fibre végétale offre à peu près le même composé, & l’art vient à bout d’extraire des plantes la partie gélatineuse. Pourquoi ne seroit elle pas irritable ? Il peut se faire que le degré d’irritabilité propre à chaque plante dépende de la quantité, de la nature de la partie gélatineuse & de sa proportion avec la terre ; & comme cette proportion peut, & varie nécessairement, non-seulement dans les différentes espèces de plantes, mais encore dans les diverses parties de la même, il n’est pas étonnant que l’irritabilité soit plus ou moins sensible dans les individus qui composent le règne végétal.

Pouffons plus loin l’analogie. On seroit porté à croire que l’irritabilité #e pourroit se retrouver dans le règne végétal, parce qu’on n’y retrouve point de nerf ; mais cette objection est plus spécieuse que solide ; 1°. parce que, comme nous l’avons vu plus haut, le nerf n’est point irritable, il ne sert qu’à occasionner l’irritabilité au muscle qu’il veut faire mouvoir ; 2°. c’est que les parties irritables le sont tellement, indépendamment des nerfs, qu’après la mort elles en conservent quelque temps le jeu, quoique séparées de tout nerf ; 3°. c’est qu’il y a des milliers d’animaux sans tête, sans moelle de l’épine, sans nerf, & qui cependant sont très-irritables. Ne citons que le polype, il est si irritable, que la lumière l’affecte très-sensiblement, quoiqu’il n’ait pas d’yeux.

Après avoir démontré que la fibre végétale pouvoit être irritable comme la fibre musculaire, essayons d’élever cette probabilité à la démonstration, & cherchons des faits : nous trouverons plusieurs parties dans la plante qui sont irritables, & nous les trouverons sur-tout dans les parties délicates & essentielles à l’économie végétale, dans les trachées & les parties sexuelles. Le savant M. Bonnet va être ici notre guide, & ses idées sur les trachées nous paraissent si justes, que nous resalions rapporter.

« De tous les vaisseaux des plantes, dit-il, les trachées sont ceux qui semblent les plus propres au mouvement. La lame spirale & écailleuse dont elles sont formées, est douée d’une élasticité qui suppose une action à exercer. Ces trachées si universellement répandues dans le corps de la plante, imitent parfaitement celles des insectes. Ces dernières sont pourvues de membranes ; les trachées des plantes pourroient donc aussi