Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/752

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ture ne sont point en proportion de l’étendue des champs à cultiver ; c’est-à-dire, qu’il faudroit huit paires de bêtes de labourage où l’on n’en met que quatre, parce que la moitié des champs repose. On suppose, en outre, qu’il faille, chaque année, semer des blés, & c’est précisément ce que nous, partisans de la suppression, n’entendons pas, ne conseillons pas, & ce que nous désapprouvons dans toute la signification du mot. Il convient de répondre article par article, afin de réduire la question à sa juste valeur, & suivre une marche réglée dans la discussion.

1°. Vous avez raison de conclure, disent les négatifs, aux partisans des jachères, que la terre s’épuise par plusieurs récoltes consécutives ; qu’il en résulte la soustraction continuelle des principes que la végétation des blés absorbe ; enfin, qu’il ne reste plus d’humus ou terre végétale, dont les principes avoient été formés par les météores, par la fermentation & par la décomposition des substances animales & végétales. Sur ce point nous sommes d’accord avec vous, & nous n’avons d’autre but, d’autres désirs, que de former cette terre végétale, afin d’enrichir la terre matrice ou terre morte, dont tout l’effet est de servir de point d’appui aux racines des plantes, & de retenir l’humidité nécessaire à la fermentation, à la décomposition de chaque substance, & à la recombinaison de toutes tes substances en une seule qui devient la matière de la sève, & le germe & la vie de toute espèce de végétation : c’est précisément ce que nous opérons par notre manière de cultiver. En effet, jetez un coup-d’œil sur les champs de la Toscane, du Piémont, de l’Angleterre, des Flandres françoise & autrichienne, du pays d’Artois, & voyez si la terre n’est pas toutes les années couverte d’une récolte quelconque ; mais nous opérons & nous travaillons d’une manière différente de la vôtre.

L’expérience la plus décisive a démontré que plusieurs récoltes consécutives en blé, épuisent la terre, parce que ces plantes n’ont que des racines fibreuses ; des expériences aussi authentiques & aussi démonstratives ont prouvé qu’après une récolte en blé, si on sème des grains dont la racine pivote au lieu d’être fibreuse, cette seconde récolte réussit très-bien, parce que leurs racines vont chercher la nourriture à une profondeur où celles des plantes graminées ne sauroient pénétrer, & qu’elles n’ont point appauvri la couche supérieure du terrain, parce qu’elles n’ont point de racines fibreuses près du collet. Il en résulte que cette terre supérieure non épuisée, & remise en dessous, par la charrue, suffit l’année d’après, c’est-à-dire, la troisième, à la nourriture des racines fibreuses & des graminées.

Nous convenons qu’à la longue nous épuiserions la terre, si chaque année nous enlevions tout le produit sans rendre à la terre des matériaux propres à former la substance de la sève. Par notre méthode, au contraire, nous lui rendons plus de principes que les plantes n’en avoient absorbé. Tout le monde sait que Boyle mit une branche de saule dans un vase plein de terre, le tout pesé exactement ; après cinq ans, cette branche avoit acquis un poids de 165 livres, & la terre