Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/779

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& simplement dans les corps qui nous environnent ; il va nous occuper maintenant, comme diminution de notre chaleur propre & sensation de l’ame ; & dans ce sens, le froid est une modification des corps qui altère le degré de la chaleur vitale, lorsqu’ils nous affectent par une mesure de chaleur moindre que celle de la nôtre. Ainsi tous les corps qui nous toucheront & qui seront au-dessous de notre chaleur propre, nous paroîtront froids. S’ils nous touchent long-temps, une partie de notre chaleur nous quittera pour se porter sur eux, & nous en perdrons autant que nous leur en communiquerons, jusqu’à ce que l’équilibre soit établi. Il ne faut pas croire, pour cela, que ces corps acquièrent exactement le degré de chaleur égal à celui qui nous anime intérieurement ; ce n’est pas ce que nous voulons dire : notre chaleur intérieure surpasse de beaucoup l’extérieure, parce que cette dernière est diminuée sans cesse par le contact de l’air ambiant toujours plus froid. C’est le degré de cette chaleur extérieure que les corps contractent en nous touchant.

Comme tous les hommes ne jouissent pas exactement du même degré de chaleur intérieure, la sensation que nous éprouvons par l’impression d’un corps froid, n’est pas la même pour tous. Bien plus, le même homme peut juger différemment d’un corps, ayant constamment de la même température, si les organes affectés par cs corps, sont différemment disposés, qu’on expose en hiver une main à l’air, jusqu’à ce qu’elle soit froide ; qu’on chauffe l’autre main au feu ou dans son sein, & qu’on ait à côté de soi un vase rempli d’eau tiède, aussitôt qu’on plongera la main chaude dans l’eau, on la trouvera froide respectivement au degré de chaleur qu’on sent dans cette main ; plongez, après cela, la main froide dans la même eau, vous la trouverez chaude, parce qu’elle a en effet plus de chaleur que cette main n’en sentoit avant d’être plongée. L’eau n’a pas changé de température, c’est la différence de celle des deux mains, qui la fait trouver froide ou chaude. La même raison est cause de la différence que nous trouvons dans une cave (voyez ce mot) en été & en hiver ; une cave, en général, conserve le même degré de chaleur dans toutes saisons, & le thermomètre s’y soutient toute l’année au dixième degré. Si nous y descendons l’hiver, l’atmosphère étant à 0 ou au-dessous, nous la trouverons nécessairement chaude, parce que nous passons d’un air plus froid à un plus chaud. Au contraire, dans l’été, que l’air a quinze ou vingt degrés de chaleur, la cave nous paroîtra très-froide, parce que sa température sera bien au-dessous de celle de l’atmosphère dans laquelle nous étions auparavant.

La sensation du froid est donc relative à l’état présent de nos organes, & c’est à leur chaleur actuelle & à leur plus ou moins de délicatesse, qu’il faut attribuer les différentes sensations que les corps qui nous touchent nous font éprouver. L’action toujours agissante de la chaleur intérieure qui se renouvelle sans cesse dans l’état de santé, oppose un effort continuel à la diminution ou à l’introduction du froid qui