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pleins d’un suc rouge ; alors, avec une espèce de truelle, ils soulèvent la racine de la plante, cueillent les grains, & mettent la plante dans le même trou dont elles l’ont tirée. On sépare ensuite toutes les impuretés mêlées avec ces grains, par le moyen d’un crible destiné à cet usage. Lorsqu’on voit que les vermisseaux sont prêts à sortir de ces grains, on arrose avec du vinaigre ou avec de l’eau très-froide jusqu’à ce qu’ils soient morts ; après cela on les fait sécher dans une étuve ou au soleil, mais lentement ; car si on les desséchoit trop & trop vite, ils perdroient ce beau pourpre qui fait tout leur prix. Quelquefois les ouvriers tirent les vermisseaux de la coque, ils les entassent & en font une masse. Cette préparation exige encore beaucoup de précaution, car si on pressoit trop ces vers, on en exprimeroit le suc, qui en est la partie la plus précieuse. Les teinturiers font plus de cas de cette masse de vers entassés, que des coques en entier, aussi se vend-t-elle beaucoup plus cher.

Je suis très-persuadé que si on vouloit, en France, prendre la peine de visiter les racines des renouées, plantes si communes sur nos grands chemins & sur le bord des champs, on y récolteroit tout autant de kermès qu’en Pologne… Celui qui vit sur la vigne, ne donneroit-il pas une semblable couleur ? Ce fait mérite d’être vérifié.

Kermès Animal. Préparation pharmaceutique, avec la substance appellée graine de kermès, n’est autre chose que l’animal dont nous venons de parler… ces graines s’opposent quelquefois au vomissement par foiblesse… à la diarrhée par foiblesse d’estomac & des intestins, & à la diarrhée séreuse… à la dyssenterie, quand les forces vitales sont abbatues, lorsque l’inflammation & la douleur sont diminuées… à la disposition pour l’avortement par foiblesse des parties contenantes… aux hémorrhagies internes qu’il est essentiel de suspendre par degrés insensibles. Le sirop de kermès est indiqué dans les mêmes maladies ; la dose des graines est depuis quinze grains jusqu’à deux drachmes, incorporées avec un sirop, ou délayées dans quatre onces d’eau… la graine concassée depuis une drachme jusqu’à une once, en macération au bain-marie dans cinq onces d’eau. Le sirop se prescrit depuis une once jusqu’à trois, seul ou étendu dans cinq onces d’eau.

On a dit dans l’article précédent, que les pigeons se jetoient sur le kermès ; cette nourriture, très-mal saine pour eux, communique une teinte rouge à leurs excrémens ; lorsqu’on s’en apperçoit, il faut mettre dans le pigeonnier plusieurs pains d’argille, imbibés d’eau nitrée, & ensuite bien paîtrie.

Kermès Minéral. Préparation pharmaceutique. À petite dose, il excite des nausées, purge légèrement sans colique ni foiblesse considérable ; il favorise l’expectoration & la résolution des maladies inflammatoires de la poitrine, & il y est employé avec succès. On a souvent observé qu’il aidoit à la détersion & à la cicatrice de plusieurs espèces d’ulcères internes & externes, exempts de vices scrophuleux, scorbutiques & vénériens. À dose médiocre, il procure un vomissement très-rarement accom-