Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étoit resté intact, ce qui est un grand & un très-grand point.

De toutes les pratiques, la plus absurde est de semer sur des labours anciennement faits ; on dit pour raison ou pour excuse, qu’on refroidit la terre, que le grain germe moins bien. Que l’on sème tard ou de bonne heure, l’excuse est pitoyable, à moins qu’on ne sème pendant la gelée, & je ne crois aucun cultivateur assez dépourvu de bon sens pour agir de la sorte. Dans les pays où la semence est enterrée par la herse, comment la herse, quelques longues que soient ses dents, pourra-t-elle enterrer & recouvrir le grain ? à peine les dents s’enfonceront-elles dans la terre, & le grain sera enseveli sous une motte de terre, ou nullement enterré. Dans ceux où l’on recouvre le grain avec la charrue, appellée araire ou avec la petite charrue à oreille ou versoir, ce sera encore des mottes que l’on soulèvera, & le grain qu’elles recouvriront ne germera pas ; au lieu que dans tous ces cas, si la terre avoit été fraîchement remuée avant les semailles, & le grain recouvert à la herse ou par un léger labour, il se seroit trouvé dans une terre meuble, & les racines l’auroient promptement pénétrée ; enfin aucun grain n’auroit été perdu.

Est-il possible de suivre la méthode de labourer que je propose dans toute l’étendue du royaume ? Elle l’est jusqu’à un certain point pour tous les climats, & souffre peu de modifications. Dans toutes nos provinces on éprouve les quatre saisons, quoiqu’elles commencent ou finissent plus tard, suivant les lieux ; ainsi dans chaque endroit on a la liberté & le choix du temps pour donner un labour avant l’hiver ; on a le même choix après l’hiver & à la fin du printemps ; ainsi nulle difficulté quant aux labours préparatoires. Quant à ceux de divisions, on objectera qu’on n’a pas assez d’animaux, qu’il y a trop peu de temps, & enfin que si on attend l’approche de l’époque des semailles, il sera impossible de bien diviser la terre de tous les champs ; que prouvent ces exceptions ? Rien du tout, sinon que le travail est toujours au-dessus des forces, qu’on laboure beaucoup & qu’on laboure mal, enfin que tout se fait à la hâte. Je prescris ici la méthode de labourer qui me paroît & que l’expérience me prouve la plus avantageuse ; chacun s’y conformera autant que sa volonté ou ses moyens le permettront.

On objectera encore & on dira : À quoi emploiera-t-on, les animaux pendant l’intervalle des labours préparatoires, ou pendant l’intervalle de ceux-ci à ceux de divisions. L’occupation ne manque jamais dans une grande métairie lorsqu’elle est bien conduite ; c’est le temps qui manque, parce qu’on n’est jamais assez fort en bestiaux, en valets, &c. N’a-t-on pas, à ces époques, les fumiers à transporter ainsi que les terres, pour enrichir les champs pauvres ; n’est-ce pas encore la saison de charier les bois, les sables, les pierres nécessaires aux réparations, &c. Si tous ces travaux sont inutiles, ce que je ne crois pas, aidez vos voisins à labourer leurs champs suivant leur fantaisie, mettez les en avance pour le travail, mais à condition qu’ils vous rendront, lors des labours de divisions, journées pour journées, d’hommes & de bestiaux