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ressource précieuse des gelées, qui les divisera & les émiettera plus que deux ou trois coups de charrue dans toute autre saison ! Il suffit que ce labour préparatoire soit profond & à sillons séparés & larges, afin qu’une grande surface soit exposée à l’action des météores, puisque dans cette saison l’évaporation, si redoutable dans les autres, ne l’est aucunement.

Il n’en est pas ainsi du labour préparatoire. Dès qu’on ne craint plus les rigueurs de l’hiver, il convient d’attendre, autant qu’on le peut, que la terre soit suffisamment ressuyée, c’est-à-dire, moins imbibée d’eau que dans l’hiver, afin qu’elle soit peu tassée par le piétinement des animaux qui labourent. Comme on a beaucoup d’espace de temps devant soi, on est donc libre de choisir un moment & des jours favorables. Si on a de grandes possessions, c’est le cas de se faire aider par ses voisins, & de leur rendre ensuite travail pour travail.

Le troisième labour préparatoire, ou à la fin du printemps, est moins utile que les premiers, & je le supprimerais totalement, si je ne craignois la fructification des mauvaises herbes, & sur-tout si les champs ne fournissoient que des herbes utiles & saines pour la nourriture des troupeaux. Ce labour trop voisin de l’été, occasionnera beaucoup d’évaporation, & ce mal ne peut être compensé que par l’engrais des moutons, & par celui des mauvaises herbes que l’on enfouit.

Quant aux labours de grandes divisions, ceux qui doivent, coup sur coup, précéder les semailles, ils seront faits avec facilité, si les deux ou trois premiers préparatoires ont été exécutés avec soin & à une profondeur requise.

Je conviens qu’il est des saisons capables de déranger tous les raisonnemens les mieux suivis. S’il survient des pluies longues & fréquentes avant les semailles, alors le champ cultivé suivant la méthode décrite ci-dessus, est dans le cas de tous les autres champs, puisqu’il a eu autant de labours qu’eux, à la seule différence des intervalles. Dans l’un & dans l’autre cas, on fait comme l’on peut ; & au lieu de donner trois à quatre labours consécutifs, on n’en donne qu’un ou deux, afin de ne pas dépasser l’époque des semailles ; époque très-intéressante, & de laquelle dépend souvent le succès de la récolte. D’ailleurs, si, comme je l’ai dit, le propriétaire a eu la sage précaution d’aider ses voisins pendant la discontinuation de ses travaux, il trouvera alors des secours assurés, & qui le mettront au courant de ses opérations.

On objectera contre le conseil que je donne de labourer le champ aussitôt que la récolte est levée, 1°. que j’occasionne une très-grande évaporation ; 2°. que souvent la terre est si sèche, que la charrue ne peut la sillonner. Ces objections sont spécieuses.

1°. Il est clair qu’on augmente l’évaporation & la perte des principes ; mais en même temps on lui rend le chaume, on enfouit les herbes, les graines de bonnes ou de mauvaises plantes qui repousseront dès que l’air sera à la température qui leur convient. J’augmente l’évaporation jusqu’à ce que l’herbe ait repoussé, la graine germée, &c. mais