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d été. On sent donc de quelle importance il est que les deux premiers labours soient profonds & donnés dans des circonstances favorables, puisque c’est d’eux que dépend la facilité de ceux qui doivent leur succéder. Cette nécessité est moins urgente pour les terreins légers & sabloneux, la charrue les sillonne sans peine dans tous les temps ; mais pendant l’été, les labours y excitent une évaporation très-nuisible.


Section III.

Comment doit-on labourer ?


L’action mécanique du labourage a pour but, 1°. de diviser la terre ; 2°. de ramener à la surface une portion plus ou moins forte de la couche inférieure, qu’on pourroit appeller terre vierge.

1°. Pour diviser la terre, on ouvre le premier sillon sur une ligne droite, & le second coupe le premier à angle droit, ce qui forme la croix. Telle est la coutume générale : est-elle la meilleure ? Je ne le crois pas. Il n’y a de terre vraiment remuée que celle du sillon ; mais celle de l’intérieur du quarré reste intacte ; tandis que si on avoit donné le second labour en lozange, même allongé, toute la terre auroit été soulevée par ces deux labours, ou du moins plus d’un grand tiers en sus que dans les deux autres labours. On dira : mais en donnant les labours postérieurs, le quarré est traversé de nouveau par ses angles : cela est vrai ; mais en supposant une double section par les angles du lozange, n’y auroit-iî pas plus de terre soulevée ? Cette vérité est trop palpable, pour s’appesantir sur sa démonstration. Il convient donc d’abandonner les labours par quarrés, & d’adopter ceux par lozanges.

2°. Dans la main du laboureurs dit le proverbe, est la clef du grenier du propriétaire : c’est-à-dire, que du labourage plus ou moins bien fait, dépend la bonne ou la chétive récolte, toutes circonstances égales.

La couche supérieure du sol s’appauvrit par l’évaporation & par les principes enlevés par la végétation des blés, puisqu’on sème & l’on récolte sans cesse, sans rendre à la terre les matières premières de la végétation.

On fait aussi que l’eau des pluies dissout l’humus, les sels, les substances savonneuses, & qu’elle les entraîne vers la couche inférieure ; enfin, qu’elle les en pénètre : c’est donc la portion la plus rapprochée de cette couche inférieure, qu’il convient de ramener en-dessus & de mélanger avec la supérieure. Aussi le bon laboureur, celui qui n’est pas un automate, ne suit pas machinalement ses bœufs ; il fonde son terrein ; il examine si la charrue amène à la surface une partie de la couche du dessous, toujours de couleur différente de celle du dessus ; il pique plus profondément, ou soulève moins, suivant la circonstance. C’est la nature du sol, la qualité de la couche inférieure qui l’indiquent de rapprocher ou d’allonger la flèche de la charrue, suivant qu’il vient trop ou trop peu de terre du dessous, & surtout suivant sa qualité bonne ou médiocre, ou mauvaise. Dans un bon sol, les labours profonds font merveille ; dans les mauvais, ils sont très pernicieux. Un bon laboureur, un