Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/188

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mouton, un bélier, une brebis à la plus grande pluie battante d’été, ou aux longues pluies d’hiver, & vous verrez toute la surface de sa toison imbibée & trempée, mais la base sera toujours sèche, parce que le suint que l’animal transpire, immiscible à l’eau, forme une espèce de vernis sur lequel elle glisse ; d’ailleurs, les poils très-serrés, très-rapprochés & couchés les uns sur les autres, représentent les thuiles qui couvrent les toits, & garantissent l’intérieur de la maison. Il y a plus ; lorsque l’animal sent sa toison trop chargée d’eau, il procure, à l’aide des muscles peaussiers, un trémoussement général à la peau, & par conséquent à la laine, qui fait tomber la majeure partie de l’eau dont elle est chargée ; ce trémoussement de la peau dans le mouton, ressemble assez à celui du cheval lorsqu’il veut se débarrasser des mouches qui le piquent.

Étudions donc la nature, & nous verrons qu’elle n’a rien épargné pour la conservation des animaux destinés à vivre au grand air ; nous nous écartons de ses loix, & nos animaux domestiques sont la victime de notre prétendue sagesse. Voit-on dans les villes les vendeuses sur les places, & les paysans dans les champs s’enrhumer, tandis que les habitans casaniers sont affectés du moindre froid ? C’est que les uns sont plus près de la nature que les autres, & l’habitude d’être au grand air soutient la force de leur corps, & les préserve d’une infinité de maux qui affligent les citadins. La santé des troupeaux, leur prospérité & leur perfectionnement, dépendent de l’homme ; une fausse sagesse, une fausse prudence, fondées sur des préjugés absurdes, sont cependant la règle de leur conduite ?


Section II.

Du croisement des races de qualité supérieure avec celles de qualité inférieure.


Le climat n’influe pas absolument & en général sur la qualité de la laine, mais seulement sur le tempéramment de l’animal ; il en est ainsi de sa nourriture. Cette assertion souffre quelques modifications, comme on le verra dans le chapitre suivant. La preuve en est que les brebis de Barbarie, les chèvres & les chats d’Angola, transportés en France, conservent la finesse, la blancheur & le moelleux de leurs poils. Si l’on transporte en Afrique, &c. nos brebis & nos béliers à laines chétives, elles resteront ce qu’elles sont, & leur laine n’y deviendra pas plus belle. Les voyages des troupeaux, à l’exemple des Espagnols, ne changent pas les laines mauvaises en médiocres, ni les médiocres en fines, puisque les troupeaux voyagent perpétuellement en Corse, & ils y sont presque toute l’année dans une égale température d’air ; cependant leur laine est détestable. On voit en Espagne des troupeaux à laine commune, voyager comme ceux à laine fine, & leur laine n’acquérir aucune qualité, quoique le climat & la nourriture soient les mêmes. La maigreur ou l’embonpoint de l’animal, causés ou par le climat ou par la nourriture, influent sur la plus ou moins grande quantité de laine, & non pas sur sa grossièreté ou sur sa finesse. Si les laines des provinces méridionales de France sont fines, elles doivent cette