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est plus utile dans les semailles d’automne que dans celles d’hiver, parce que, dans le premier cas, cette saison a encore des jours fort chauds, & sur-tout parce qu’il seroit dangereux d’arroser trop tôt par irrigation ; alors l’eau affaisse trop la terre du sillon, quoiqu’elle ne le surmonte pas.

Les semailles d’hiver peuvent être faites en tables, en planches, attendu que dans cette saison la terre a très-rarement besoin d’être arrosée, on seme à la volée, en recouvrant le tout d’un peu de terre. Les semailles d’automne, au contraire, exigent que la terre soit déjà disposée en sillon tronqué, c’est-à-dire, que sa partie supérieure ne soit pas entièrement terminée par la terre tirée du fossé. (voyez la gravure du mot Irrigation.) Sur ce sillon plat, & à la partie où monte l’eau de l’irrigation, on seme à la volée, & avec la terre qu’on enlevé du fossé, on recouvre la graine, & on achève d’élever le sillon alors le fossé se trouve net, & assez profond pour recevoir l’eau lorsque le besoin le demande. Quelques jardiniers, le sillon une fois tout formé, se contentent, de chaque côté & à la hauteur où montera l’eau, de tracer avec le manche du râteau, ou tel autre morceau de bois, une ligne d’un pouce de profondeur, de la semer & de la recouvrir. Cette méthode est défectueuse, en ce que les graines sont alors trop accumulées & se nuisent ; d’ailleurs, si deux sillons, semés à la volée, suffisent, il en faudroit près de six, afin d’avoir le même nombre & la même quantité de bonnes laitues.

La graine de laitue germe assez facilement, celle de deux ans moins vite que celle de la première année ; il en est ainsi de la graine de trois ans, c’est à peu près le dernier terme jusqu’au quel on puisse la conserver. Plusieurs auteurs proposent différentes infusions pour la faire germer plus vite ; ces infusions sont inutiles. Ayez un terrein bien préparé, semez dans un temps convenable, voilà la meilleure recette.

La disposition des jardins par sillons seroit perdre beaucoup de terrein si on ne profitoit des deux côtés de l’ados du sillon ; le jardinier attentif plante d’un côté des laitues, tandis que de l’autre il a semé ou planté un autre herbage qui ne parviendra à son point de grosseur ou de maturité, que lorsque les laitues seront coupées. C’est ainsi que sont disposés les sillons entre les rangées des pois, dans les tables de cardons, d’oignons, de choux, de céleris, &c.

Si on le pouvoit, il vaudroit beaucoup mieux semer à demeure qu’en pépinière ; la transplantation retarde les progrès de la plante, qui en est moins belle. De toutes les erreurs, la plus absurde c’est le retranchement des racines ; je dis, au contraire : levez avec le plus grand nombre de racines possibles, & même avec la terre si elle est un peu mouillée, & plantez sans la déranger. Si vous avez beaucoup de laitues à transporter, si elles sont trop serrées dans les pépinières, & si la terre s’en détache, ayez un plat, un vase peu profond, plein d’eau, & rangez dans ce vase les laitues près les unes des autres, afin que les racines y trempent, & que la plante conserve sa fraîcheur ; replantez après le soleil couché, faites venir l’eau, & le lendemain, avant le soleil levé, couvrez chaque laitue avec une feuille qui sera enlevée le soir à la