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Le lin moyen mûrit le second, ne croît pas si vîte que le lin chaud, mais plus vite que le lin froid ; il est peu chargé de graine ; il s’élève plus que le premier, & moins que le second.

Par un abus impardonnable, toutes les graines de ces trois espèces sont communément confondues & semées ensemble. Dès-lors le lin têtard nuit à la végétation du lin moyen, & à celle du lin élevé ; tout comme celle-ci dérange celle du têtard. Il vaudroit beaucoup mieux les séparer exactement, lors de la cueillette, pour les semer ensuite dans des champs séparés. Les vues du cultivateur seroient remplies, puisque dans une partie du champ il auroit le lin dont la graine est destinée à l’extraction de l’huile ; dans l’autre, le lin propre à la toile fine, & dans la dernière, le lin consacré à la fabrication des toiles de ménage. On dira, peut-être, qu’on sépare les pieds de ces lins, suivant l’ordre de leur maturité. Mais, peut-on lever de terre une plante mûre, sans nuire à la voisine qui ne l’est pas, sur-tout dans les lins semés épais ? C’est beaucoup détériorer sa récolte, & multiplier le travail en pure perte. Il est difficile de ne pas être réduit à cette fâcheuse extrémité, lorsqu’on achète la graine telle qu’elle est apportée par les Hollandois. Ne seroit-il pas possible qu’un cultivateur Flamand, par exemple, s’entendît avec un cultivateur Provençal, Languedocien, &c. ; & qu’après avoir, l’un & l’autre, séparé leurs graines, ils fissent un échange. Je le répéte, il est inutile de recourir à la graine de Livonie, lorsqu’on peut s’en procurer d’aussi bonne dans le royaume, & sur-tout sans mélange.

VII. De la conduite du lin semé, jusqu’à sa maturité. Les mauvaises herbes causent la destruction du lin. C’est afin d’avoir la facilité de les arracher, que le champ a dû être divisé en planches de six pieds de largeur, sur une longueur quelconque.

Le sarclage est l’occupation des femmes & des enfans, & il est important de choisir, pour cette opération, le jour qui suit la pluie ; l’herbe est mieux arrachée, & le lin renversé pendant le sarclage se relève plus facilement. Ce travail exige d’être répété aussi souvent que le besoin l’exige, sur-tout dans le commencement. Lorsque le lin est parvenu à une certaine hauteur, il ne permet plus la sortie des mauvaises plantes.

Si on a semé dru, dans l’intention de se procurer de la filasse longue & fine, il est à craindre que les plantes ne se soutiennent contre les efforts des vents ou de la pluie, sans verser. Le rapprochement des tiges les obligé à s’élancer, à devenir fluettes, à avoir peu de consistance ; enfin, à fléchir, à se couder & à se plier sur la terre ; dès lors la plante ne se relève plus, finit tristement sa végétation, & la filasse se réduit ensuite presque toute en étoupe. Afin de prévenir ces fâcheux inconvéniens, on rame les lins, non pas comme les pois, les haricots, &c, mais en croisant les tasseaux. Voici la manière d’opérer.

La finesse & le rapprochement des pieds les uns contre les autres, décident du nombre de rames dont chaque table doit être pourvue. Il vaudroit mieux les trop multiplier que d’en mettre trop peu. L’habitude de voir, de juger de la saison, instruisent le cultivateur de la hauteur à laquelle la plante s’élèvera, à peu de chose près. Il se procurera un grand nombre