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de petits piquets, de dix-huit à vingt pouces de hauteur, sur six, huit, dix à douze lignes d’épaisseur, & il les enfoncera en terre, à la profondeur de quatre à six pouces.

Supposons qu’une table ou planche ait six pieds de largeur, il faudra sept piquets, à la distance d’un pied les uns des autres, & il en plantera de semblables sur la même ligne que les premiers, à la distance de deux à trois pieds, en suivant la longueur de la planche. Le nombre des tasseaux, ou traverses de bois léger & mince, doit être proportionné aux besoins. Chaque tasseau sera assujetti contre tous les piquets qu’il rencontre dans son étendue, de manière qu’ils semblent former autant de petites allées, de petites séparations, de petites pallissades, qu’il y a de piquets à la tête & au bout de la planche. Voilà le lin assuré sur cette direction mais ce n’est pas encore assez. Il faut ensuite placer de nouveaux tasseaux en sens contraire des premiers, & à angles droits, de manière que lorsqu’ils seront attachés ils présenteront de petits quarrés. Ainsi les tasseaux & les piquets seront multipliés en raison de l’impétuosité des vents ou des pluies qu’on a à craindre dans le pays que l’on habite. Les ligatures seront faites avec des joncs, ou avec de la paille, ou avec de l’osier.

Les lins semés clair, ou pour la graine, ou pour la toile de ménage, n’ont pas besoin de ces secours. La finesse de la filasse du lin semé dru, dédommage des peines que l’on prend pour la rendre parfaite. Si on a la facilité de conduire l’eau sur la linière, on doit en profiter suivant le besoin ; mais jamais lorsque le lin est en fleur, lorsque l’on vise à la graine. C’est le contraire pour le lin fin & le grossier, la tige profite de la substance qui auroit servi à la formation de la graine. L’arrosement empêche les fleurs de nouer.

VIII. De l’époque à laquelle on doit arracher le lin. Chaque pays a, pour ainsi dire, une coutume différente ; il est à présumer qu’elle est fondée sur l’expérience & sur l’observation ; mais il reste le droit de demander si on a fait des expériences comparatives, afin de déterminer la méthode d’une manière précise ? Les coutumes, en général, tiennent plus à la routine qu’au discernement. Ne seroit-ce pas une des causes qui rend le lin de tel canton inférieur à tel autre, ou dont la filasse donne plus ou moins d’étoupes. Je sçais du moins que ces variations tiennent beaucoup à la culture, à la manière d’être des saisons, au grain de terre, &c. ; mais ces causes ne sont pas uniques.

On dit communément que le lin doit être arraché lorsque les tiges ont acquis une couleur jaune. Ce point de couleur est bien vague car du jaune foncé, ou du jaune tirant sur le verd ou sur la paille, combien n’existe-t-il pas de nuances intermédiaires ? Le lin qui a végété sur un sol naturellement humide, est couleur de paille dans sa maturité, & il acquiert cette couleur beaucoup plus vite que le lin provenant d’un bon fonds, & non trop humide, quoiqu’il ne soit pas encore bien mûr. Dans ce cas, la couleur paille est l’indice d’une végétation qui a été languissante. La couleur n’est donc pas un indicateur rigoureux, mais seulement elle met sur la voie de juger.

Plusieurs auteurs annoncent qu’on ne doit arracher le lin que lorsque