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Si la saison s’oppose au dessèchement des tiges & à la séparation des graines, on transporte au logis les plantes, après les avoir bottelées ; là on les délie, on les arrange en petites meules, comme il a été dit plus haut ; en un mot, on cherche les expédiens les plus propres à accélérer leur dessication. Dans d’autres cantons, on porte sous des hangards les tiges avec leurs capsules, sans les battre, elles y achèvent leur dessication, quoique amoncelées jusqu’à un certain point. On prétend dans ces pays, que la graine & que la filasse se perfectionne sous ces hangards ; ce qui me paroît douteux. S’il reste un peu trop d’humidité, la fermentation s’excite, fait réagir le mucilage, il s’échauffe, & cette chaleur diminue la quantité de l’huile contenue dans la graine, & en détériore singulièrement la qualité. (Voyez ce qui a été dit au mot Huile) Ces monceaux de lin, non égrainés, attirent les rats, & ils y accourent en foule. Après avoir dévoré la graine, ils attaquent l’écorce, la rongent, la brisent en petits morceaux, & ces débris leur servent à former leurs nids. J’ai vu plus de demi-aune de toile suffire à peine à la texture d’un nid artistement & commodément rangé. Que l’on juge donc du dégât que les rats & les souris doivent causer dans un pareil monceau !

X. Du rouissage. En traitant du chanvre, j’ai rapporté les différentes méthodes employées à cet effet, & j’ai fait voir combien elles étoient disparâtes & fautives enfin, qu’aucune n’étoit fondée sur un principe constant & uniforme. Une circonstance particulière m’a mis dans le cas de tenter de nouvelles expériences à ce sujet, dont je rendrai compte aux mots Rouir, rouissage, rouioir.

XI. Des soins que demande le lin au sortir du rouioir. On connoît que la plante est assez rouie, lorsqu’après avoir pris plusieurs brins de différentes bottes, on essaie de les casser vers l’endroit où étoient les graines. Si la chenevotte se casse sec, si la filasse se détache aisément, depuis la racine jusqu’au sommet de la plante, c’est une preuve que le chanvre est assez roui.

Après l’avoir tiré de la fosse, il demande à être lavé à grande eau courante, afin de détacher & entraîner la portion du mucilage, dissoute par l’eau de la fosse, & qui resteroit collée contre l’écorce, sans cette précaution. Si l’eau de la fosse n’est pas courante, si elle ne se renouvelle pas perpétuellement en grande quantité, le poisson meurt, parce que l’eau se charge du mucilage qu’elle dissout, elle devient gluante, & le poisson ne peut plus respirer. On le voit alors venir à la surface chercher à respirer l’air de l’atmosphère, tandis qu’auparavant l’air contenu dans l’eau suffisoit à sa respiration.

Après ce fort lavage, on étend le lin sur terre, on le laisse exposé à toute l’ardeur du soleil, & on le retourne de temps à autre. Sa dessication est plus ou moins prompte, suivant le climat, suivant la saison, & sa manière d’être à cette époque. Dans les provinces du midi, l’opération est promptement achevée. Il n’en est pas ainsi dans celles du nord, où l’art doit venir au secours de la nature ; on y est souvent forcé de porter le lin au halloir.

Le halloir est un lieu voûté, dans lequel on a pratiqué une cheminée,