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afin d’attirer la fumée, & pour l’empêcher de noircir les lins. On fait dans ce halloir un feu clair, avec le bois le plus sec, ou avec des chenevottes, qui donnent peu de fumée. Les lins y sont placés sur claies, & on les en retire dès qu’ils sont bien secs, pour leur en substituer de mouillés.

Dès que le lin est sec, on le porte dans des greniers bien airés, si on est dans l’intention de réserver pour l’hiver un genre d’occupation aux femmes & aux enfans, sinon, l’on travaille tout de suite à séparer la filasse de la chenevotte.

On teille le chanvre ; mais il seroit très-difficile de teiller le lin, à cause de l’exiguïté de ses tiges. Les méthodes de séparer les chenevottes de l’écorce ou de la filasse, varient suivant les cantons.

Dans quelques endroits on se sert d’un banc de bois, bien lisse & bien uni, sur lequel on étend le lin que l’on tient de la main gauche, & de la main droite on frappe avec un battoir de blanchisseuse, afin de briser la chenevotte. Lorsqu’elle l’est au point convenable, l’ouvrier met sur le banc la partie qu’il tenoit dans la main, & la bat également. Ensuite, saisissant avec ses deux mains les extrémités de la filasse, il la passe & repasse sur l’angle du banc qui achève de briser la chenevotte, & il secoue la filasse, ne la tenant que d’une main, & les restes des chenevottes tombent sur la terre.

Dans d’autres cantons on employe une broye. (Voyez figure 11, planche VII.) Cet instrument est beaucoup plus expéditif que le premier, & mérite la préférence si l’ouvrier sçait bien le conduire. Il a l’inconvénient de casser les fils : cela est vrai, lorsque les bois ne sont pas bien unis, & lorsque leurs arrêtes sont trop vives. Ici, au lieu du battoir dont on a parlé plus haut, on se sert d’un couteau de bois arrondi, nommé espadon, avec lequel on frappe sur le lin ; il a un pouce d’épaisseur. Là, cet espadon est de trois pouces d’épaisseur. Toutes ces méthodes ne me paroissent pas aussi utiles que celle dont on se sert en Livonie, & dont je vais tirer la description des mémoires de la Société d’Agriculture de Bretagne. On doit à M. Dubois de Donilac de nous l’avoir fait connoître.

La broye des Livoniens est semblable à la nôtre, (Voyez figure 11) depuis l’axe jusqu’à la longueur des mâchoires ; l’autre moitié de la longueur, depuis l’axe jusqu’au manche, est pleine & taillée en goutières correspondantes, ensorte que la mâchoire de dessus s’applique sur celle de dessous, & qu’elles se touchent dans toutes leurs parties, parce que les angles saillans des goutières d’une des mâchoires, répondent aux angles rentrans de l’autre. Ces angles sont à-peu-près de soixante degrés, & l’arrête en est mousse.

La différence de la broye des Livoniens d’avec la nôtre, n’auroit-elle pas pour but deux opérations séparées ? La première consiste à broyer la filasse lorsqu’elle tient encore à la chenevotte, & la partie des deux mâchoires, qui est vuide, paroît destinée à cet usage. Comme cette opération demande évidemment plus de force que celles qui suivent, aussi la partie qui lui est destinée, est-elle du côté de l’axe qui réunit les deux mâchoires ; c’est là qu’avec un moindre effort la pression a infiniment plus