de puissance, & que le coup qui pourroit détruire le filament, en a infiniment moins. C’est donc là qu’il faut engager le lin, dans le temps où l’on veut briser la chénevotte, sans que le filament soit attaqué.
Lorsque la chenevotte est brisée, & que la filasse en est presqu’entièrement séparée, il reste à l’en purger tout-à-fait, & à l’assouplir. Pour cet effet, on engage la filasse entre les goutières correspondantes des mâchoires inférieures & supérieures ; elle ne peut y éprouver qu’un frottement assez léger, puisqu’alors elle est près du manche que tient l’ouvrier, & loin de l’axe. Ainsi, en la faisant glisser entre les goutières, tandis que les mâchoires sont un peu pressées l’une contre l’autre, la filasse doit être assouplie dans toute sa longueur, sans être exposée à ces ruptures continuelles qu’elle éprouve lorsqu’on l’assouplit d’une autre manière, ou par la broyé ordinaire.
La Livonie est d’une si grande étendue, qu’il n’est pas surprenant qu’on y employé des moyens différens pour la préparation des lins & des chanvres. M. Dubois de Donilac y a vu exécuter, en très-peu de temps, un travail qui est très-long & très-dispendieux en France. Ce sont des moulins qui broyent le lin & les chanvres, & on prétend que les lins & chanvres préparés par eux, se vendent quinze à vingt pour cent plus chers que ceux qui ont été broyés ou teillés. Ces machines, ou en bois ou en pierre, & plus souvent en pierres, sont mues ou par l’eau, ou par le vent, ou par un cheval ; ainsi on peut en faire usage dans toutes les positions. C’est en général une aire circulaire, terminée par un rebord de dix-huit pouces de hauteur. Cette aire est un plan incliné d’environ six pouces du centre à la circonférence ; une pierre un peu élevée & percée dans son milieu occupe le centre ; elle est destinée à recevoir une pièce de bois posée verticalement. On assemble à cette pièce de bois une barre de fer, qui traverse une pierre qui a la forme d’un cône tronqué ; cette pierre doit être non-seulement unie, mais adoucie, afin qu’en brisant par son poids la chenevotte sur laquelle on la fait rouler, la filasse ne soit ni coupée, ni altérée par les angles multipliés d’une surface raboteuse. Le chanvre ou le lin est étendu sur l’aire circulaire, en plaçant le gros bout des tiges du côté de la circonférence, & le petit bout du côté du centre. Si c’est du lin qu’on veut broyer, on en étend deux rangs l’un au bout de l’autre, afin que toute la surface de l’aire en soit couverte. Une épaisseur de trois, quatre ou cinq pouces suffit d’abord. On fait tourner la pierre, qu’on peut regarder ici comme une meule. Après une douzaine de tours, la couche de chanvre ou de lin s’affaisse sensiblement ; on arrête le moulin pour mettre une seconde couche sur la première, & enfin une troisième.
Pendant l’affaissement qui se fait à chaque couche, un ouvrier, armé d’une fourche à trois branches, suit la meule, & retourne les brins de lin ou de chanvre. L’opération de tourner & de retourner se continue jusqu’à ce que la chenevotte soit brisée, & que les particules qui en restent soient peu adhérentes au filament. On les retire alors de dessus l’aire, & il suffit de les secouer par poignées