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dit M. l’abbé Tessier, que l’inclinaison des plantes vers la lumière, est en raison composée de leur jeunesse, de la distance où elles sont de la lumière, de la manière, dont leurs germes ont été posés, de la couleur des corps devant lesquels elles croissent, & du plus ou mmoins de facilité que leurs tiges trouvent à sortir de terre, ou des autres matières sur lesquelles on les avoit semées. »

Ne soyons donc pas étonnés, d’après ces expériences, que les plantes & les arbres se portent toujours vers l’endroit où la lumière afflue avec le plus d’abondance, & que sur les bords des allées, des clairières & des bois, nous voyons les grands arbres s’incliner en-dehors, & leurs voisins se diriger dans le même sens ; que ceux qui se trouvent environnes d’autres, cherchent sans cesse à s’élever au-dessus d’eux, afin de jouir du bienfait de la lumière dont ils ont tant besoin. Nous voyons aussi toutes les plantes renfermées dans une serre, se porter naturellement du côté d’où leur vient le jour.

Si la lumière influe à ce point sur la direction des tiges des plantes, elle a une action encore plus énergique sur la coloration des tiges, des feuilles, en un mot de toutes les parties de la fleur. M. l’abbé Tessier a fait encore un grand nombre d’expériences pour s’assurer si les différentes modifications de la lumière agiroient sur la couleur des plantes comme la couleur directe. Pour cet effet, il plaça des plantes dans une cave qui n’étoit éclairée que par deux soupiraux, & il disposa les pots dans lesquels étoient semés du bled, les uns directement sous les soupiraux, les autres dans des endroits où ils ne pouvoient recevoir la lumière de ces soupiraux, que réfléchie par des miroirs. Tantôt il fit coïncider en un seul point la lumière réfléchie par des miroirs placés au bas des deux soupiraux, & à ce point de réunion il mit des pots dans lesquels il avoit semé du bled ; tantôt il s’est servi, pour les éclairer, de la lumière d’une lampe ; dans d’autres expériences il s’est servi de la lumière de la lune, & dans d’autres de la lumière qui avoit traversé des verres diversement colorés.

Le résultat de ses expériences est : « que les plantes élevées dans des souterrains loin de l’éclat du jour, sont d’autant moins vertes qu’il s’y introduit moins de lumière, ou que la cave étant profonde, la lumière est portée plus loin ; celles qui reçoivent la lumière du jour ont une couleur verte plus foncée que celles qui ne reçoivent que la lumière de réflexion, & plus les réflexions se multiplient, & plus la couleur verte diminue, parce que la lumière s’affoiblit davantage. La lumière d’une lampe conserve aux plantes leur verdure avec moins d’intensité que la lumière directe ou réfléchie ; à la réflexion de la lumière d’une lampe, la couleur s’affoiblit encore, mais cependant jamais jusqu’à se détruire comme dans l’obscurité. Pour qu’une plante soit décolorée, il n’est pas nécessaire qu’elle soit très-éloignée de la lumière ; pourvu que la lumière ne tombe pas sur elle, elle n’aura pas de couleur… Enfin, on ne peut douter que la lumière de la lune, celle des étoiles fixes, des planètes, & celle des crépuscules,