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pisserie de verdure, singulièrement embellie au temps des fleurs, & très-riche lorsque les fruits ont acquis leur grosseur & leur couleur ordinaire ; mais la monotonie est fatiguante. Les seconds permettent à la vue de pénétrer à travers le vuide qui reste entre eux, à mesure qu’ils s’éloignent & forment une cloche dont l’évasement est au sommet. Il est certain que si tous ces arbres sont à la même hauteur, que s’ils ont un égal diamètre, ils produisent un très-bel effet. (Voyez les mots Buisson, Buissonnier.)

Je n’aime pas la bigarrure le long des allées ou des espaliers, que présentent les arbres à mi-tige, placés alternativement avec les arbres nains : ou tout un, ou tout autre. Le mi-tige seul figure très-bien, & la vue se promène agréablement par dessous. L’arbre en éventail fait tapisserie, & ne permet pas de voir au-delà, pour peu que ses branches soient élevées. Lorsqu’on plante, on doit considérer 1°. l’utile, 2°. l’agréable.

Admettons qu’on ait à former la totalité d’un jardin fruitier, & qu’on désire avoir des arbres sous toutes les formes ; les allées une fois tracées, le sol divisé par plate-bandes ou par quarreaux, on réservera les quarreaux du fond aux arbres à plein vent, les quarreaux qui les précèdent seront destinés aux arbres à mi-tige, ceux en avant aux arbres taillés en buissons ; les seconds quarreaux aux arbres nains, livrés à eux-mêmes, & tels qu’ils pousseront après les avoir ravalés après leur plantation, & encore mieux sans les avoir ravalés ; enfin, les quarreaux sur le devant seront occupés par des arbres taillés en éventail.

On sera peut-être étonné que je place dans le nombre des nains des arbres qui ne seront point sujets à la serpette ni à la taille ; outre qu’ils produiront un effet pittoresque, & un peu sauvage au milieu de ces arbres symétriquement arrangés, j’ose assurer que chaque année ils se chargeront de beaucoup plus de fruits que les autres, & l’on sera surpris de leur étonnante végétation. Enfin, après une longue suite d’années, on les mettra, si l’on veut, & sans courir aucun risque, en arbres à plein vent ; il suffira petit-à-petit & médiocrement chaque année, de supprimer les branches les plus basses, & de recouvrir soigneusement les plaies avec l’onguent de Saint Fiacre. (Voyez ce mot.) Au surplus, la disposition de la forme des arbres dépend de la volonté du propriétaire.

Lorsque l’on plante un fruitier, l’espace paraît immense, & le pied de chaque arbre, très-éloigné du pied voisin, parce qu’alors on n’aperçoit qu’un tronc mince, sans branches, sans feuilles, & absolument nud ; mais pour peu qu’on ait l’habitude de voir & de juger de l’espace qu’il occupera dans la suite, on se règle alors sur la distance proportionnelle que les arbres exigeront entre eux : c’est pourquoi j’ai conseillé de mettre chaque espèce à part, soit par rapport au fruit, soit par rapport à la force de la végétation de chaque espèce. Ce n’est pas tout : on doit encore connoître la manière d’être & de végéter de chaque arbre, dans le pays qu’on habite, & relativement au sol : par exemple, les bons chrétiens d’été, d’Ausch, à feuilles de chêne, &c. poussent bien plus vigoureusement, (toutes circonstances égales) dans