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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/365

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de trouver des luzernes dont la racine a six & même jusqu’à dix pieds de longueur. Il est clair, d’après ce fait que je certifie, que cette plante réussira mal dans un terrein purement caillouteux ou sabloneux, dans un terrein gras & argilleux, craieux, ou entièrement plâtreux ; dans celui où la couche de terre végétale de six à douze pouces d’épaisseur, recouvrira un fonds de gravier ou d’argille, &c. La racine alors cesse de pivoter, & à la moindre sécheresse elle souffre, languit & ensuite périt. Le point essentiel est de chercher une terre qui ait beaucoup de fond.

La meilleure terre, sans contredit, est-celle qui est légère & substantielle. Les anciens dépôts formés par les rivières, ont communément cette qualité, parce qu’ils sont remplis d’humus ou terre végétale, dissoute, entraînée & déposée par l’eau ; les sables gras, les terres tourbeuses viennent ensuite, & assez généralement tous les terreins situés au pied des montagnes, parce qu’ils sont sans cesse enrichis par les terres qu’entraînent les pluies.

De la qualité du sol dépend la durée & la beauté de la luzerne. Lorsqu’il lui convient, lorsque des accidens particuliers, dont on parlera dans la suite, ne la détruisent pas, une luzerne dure, dans les provinces méridionales, depuis dix jusqu’à vingt ans. Sa durée diminue en raison du sol, & suivant sa qualité, elle est épuisée après quatre ou cinq ans, & même moins. Il ne valoit pas la peine de la semer, à moins qu’on ne veuille alterner, (Voyez ce mot) ou remettre un champ fatigué par des récoltes successives de bled.


§. II. Du choix de la graine & du temps de la semer.


I. Du choix de la graine. On ne cueille communément la graine que sur de vieilles luzernes qu’on veut détruite, & on la laisse pour ainsi dire sécher sur pied, c’est-à-dire qu’on attend, pour la cueillir, l’approche des premiers froids. Dans les provinces du midi, après avoir fait la première coupe en avril ou en mai, suivant la saison & le climat, on ne la coupe plus, & la graine est mûre en octobre ou en novembre. Comme le légume qui contient la graine, est tourné en spirale, & que ses valvules s’ouvrent difficilement, on n’est pas pressé pour le moment de la récolte. Dans les provinces du nord, on ne doit point couper la luzerne pendant la dernière année, si on désire que la semence acquiert une parfaite maturité. Cette maturité est bien essentielle ; la graine qui n’est pas mûre, & qui n’a pas acquis une couleur brune, ne lève pas, & sans cette précaution la luzerne lève trop clair, & ne garnit pas assez le champ. Le défaut de la graine, récoltée sur une luzernière à détruire, est d’être mêlée avec toutes sortes de mauvaises graines, & surtout avec celles des roquettes dans les provinces du midi, & ailleurs avec celles des graminées des prairies. On obvieroit à cet inconvénient, si on conservoit une place à part dans le champ, & dans la partie la mieux garnie de luzerne, parce que les tiges, placées près-à-près & très feuillées, étouffent les mauvaises herbes, & les empêchent par conséquent de grainer : c’est le seul moyen d’avoir une graine nette &