remplir des magasins pour servir d’aliment quand les autres comestibles manquent ; un voyageur, avec une provision de dix livres, a de quoi vivre quinze jours, quelqu’appétit qu’il ait ; en temps de guerre, un soldat, un cavalier peut en porter pour se nourrir dans une marche forcée. Il suffit, pour le préparer, d’avoir de l’eau ou du bouillon, chaud ou froid, que l’on verse sur deux onces de couaque, & il y a de quoi faire un repas. Le couaque se gonfle prodigieusement, il reprend l’humidité qu’il a perdue ; on peut en nourrir même les chevaux.
C’est la fécule de la racine du magnoc ; il passe avec le suc une substance de la plus grande blancheur & finesse, c’est ce qu’on nomme cipipa. Les personnes qui pressent beaucoup de magnoc ont la précaution de mettre un vase sous le pressoir pour en recevoir tout le suc, & en même temps le cipipa, qui ressemble parfaitement à l’amidon qu’on retire du froment.
Après avoir décanté le suc, on prend le cipipa qu’on lave dans plusieurs eaux, afin de le rendre pur. Quelques personnes font avec ce cipipa récent & mouillé, des galettes très minces en le pétrissant ; on y met un peu de sel ; elles les font cuire au four, enveloppées de feuilles de bananiers ou de balisier ; ces galettes sont bonnes à manger, très-délicates, & blanches comme neige.
Lorsque l’on veut en faire de la poudre à poudrer, on fait sécher à l’ombre le cipipa ; il forme des espèces de pains comme l’amidon. Il faut les écraser, & passer cette poudre à travers une toile fine ; dans cet état le cipipa est propre à poudrer les cheveux ; il s’emploie encore, comme la farine, à frire le poisson, à donner de la liaison aux sauces, & à en faire de bonne colle à coller le papier ; mais pour en faire de la colle, il faut qu’elle soit cuite avec de l’eau de fontaine.
C’est un suc épaissi ou rob de magnoc ; il faut prendre la quantité qu’on veut de ce suc, après l’avoir séparé du cipipa ; on le passe au travers d’un linge, & on le fait ensuite bouillir dans un vase de terre ou de fer, & on l’écume continuellement ; on y met quelques bayes de piment. Lorsque cette liqueur ne rend plus d’écume, c’est une preuve que toute la partie résineuse, qui étoit le venin contenu dans le suc, est séparée. On passe cette liqueur à travers un linge, & on la fait bouillir de nouveau, jusqu’à ce qu’elle ait acquis la consistance du syrop, ou même celle du rob. On retire le suc du feu quand il est à ce degré d’évaporation ; lorsqu’il est refroidi, on le verse dans des bouteilles ; alors il peut passer les mers & se conserver longtemps. Ce rob est excellent pour assaisonner les ragoûts, les rôtis, sur-tout les canards & les oies ; il a un goût excellent & aiguise l’appétit.
On prend quinze livres de cassave avec une livre de machi,[1] ou bien,
- ↑ C’est la cassave mâchée par une indienne, & mise dans la pâte pour servir de levain.