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comme le machi répugne à quelques uns, on y supplée par le nombre de cinq ou six grosses patates, qu’on rape & qui font l’effet du levain. L’on pétrit la cassave avec le machi ou avec les patates rapées, en y ajoutant l’eau nécessaire pour former une masse, qu’on laisse en fermentation pendant trente-six heures. Le vicou se fait avec cette pâte, à mesure qu’on désire en boire ; il suffit alors de prendre une quantité de pâte proportionnée à la quantité de boisson dont on a besoin, & on délaye cette pâte dans l’eau. Les Galibès boivent le vicou sans le passer au travers d’un manaret,[1] & ajoutent du sucre à cette liqueur ; elle est acide, rafraîchissante, très-agréable à boire. Les peuples de la Guiane n’entreprennent aucun voyage sans être pourvus d’une provision de pâte de vicou, qu’ils délayent dans un vase lorsqu’ils veulent boire & se rafraîchir.


Du cachiri.


On prend environ cinquante livres de la racine du magnoc cachire, récemment rapée, & sept à huit patates qu’on rape ; quelques-uns y ajoutent une ou deux pintes de suc de canne à sucre, ce qui n’est point essentiel. L’on met dans un cannari[2] les racines rapées, on verse sur elles cinquante pots d’eau & l’on place le cannari sur trois pierres qui forment le trépied & en même-temps le foyer ; on fait bouillir ce mélange en remuant jusqu’au fond, pour que les racines ne s’y attachent pas, jusqu’à ce qu’il se forme dessus une forte pellicule, ce qui arrive à-peu-près à la moitié de l’évaporation ; alors on retire le feu & on verse ce mélange dans un autre vase, dans lequel elle fermente pendant quarante huit heures, ou à-peu-près ; lorsque cette liqueur est devenue vineuse, on la passe à travers un manaret.

Cette boisson a un goût qui imite beaucoup le poiré : prise en grande quantité elle enivre, mais prise avec modération, elle est apéritive, & regardée par les habitans comme un puissant diurétique. L’on se guérit par son usage de l’hydropisie, lorsque la maladie n’est point invétérée.


Du paya.


On prend des cassaves récemment cuites, qu’on pose les unes sur les autres pour qu’elles se moisissent. Sur le nombre de trois cassaves, l’on rape trois ou quatre patates, qu’on pétrit avec les cassaves. L’on met ensuite cette pâte dans un vase, on ajoute environ quatre pots d’eau, puis on mêle & on délaye la pâte. On laisse fermenter ce mélange pendant quarante-huit heures ; la liqueur qui en résulte est alors potable ; on la passe au travers du manaret pour

  1. Espèce de couloir ou tamis, plus ou moins serré. C’est un quarré fermé par quatre baguettes, sur lesquelles on natte les tiges d’une espèce d’arouma, fendues en trois ou quatre portions suivant leur longueur, qui imitent le rotin. C’est de cette manière que les Naturels de la Guiane font leurs cribles, leurs couloirs, leurs tamis.
  2. C’est un vase de terre fabriqué à la main par les femmes, cuit en le posant sur trois pierres, l’entourant & le remplissant d’écorces d’arbres sèches.