Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/464

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du filtre dans un vase assez grand, & presque plein d’eau, & ayez l’attention de bien agiter cette eau, afin de diviser le plus qu’il est possible ce résidu. Lorsque le tout a été bien agité, videz de nouvelle eau dans ce vase, & qu’elle surpasse ses bords : la première eau s’écoulera sur la superficie du vase, & entraînera la partie argilleuse, mais la sablonneuse gagnera peu-à-peu le fond. Continuez à ajouter de l’eau jusqu’à ce qu’elle sorte claire, & qu’il ne reste plus d’argille. Laissez reposer & décantez ensuite doucement ; placez au soleil, ou sur le feu la portion sablonneuse, & vous reconnoîtrez, quand elle sera sèche, & par son poids, qu’elle aura été la quantité d’argille entraînée par l’eau. Enfin, réunissant les différens poids, vous aurez à-peu-près la pesanteur totale du morceau de marne dont vous avez voulu connoître la qualité. Il ne s’agit pas ici d’avoir une précision mathématique : si elle étoit nécessaire, je ne présenterois pas cette expérience à de simples agriculteurs ; mais on doit observer qu’il y aura toujours une différence dans la totalité des poids, puisqu’on n’a pas pu retenir l’air lorsqu’il s’échappoit, & le poids de cet air est considérable, proportion gardée.

Ces trois états généraux indiquent les terres où telle qualité de marne est utile, & où telle autre seroit nuisible. Si on est assez heureux pour avoir de la marne toute calcaire, il en faut beaucoup moins, & elle sera un engrais excellent pour les terres déjà bonnes par elles-mêmes, mais un peu compactes. Si elle est plus argilleuse que calcaire & sablonneuse, elle produira de bons effets dans les terres sans nerfs, & qui laissent trop facilement filtrer les eaux pluviales. Si elle est calcaire & très-sablonneuse, toutes les terres compactes & argilleuses en retireront d’excellens effets. Sans ces distinctions, on court grand risque de détériorer ses champs, & elles démontrent combien peu sont fondées les assertions des écrivains qui généralisent tout, & qui vont jusqu’à fixer le nombre de tombereaux de marne qu’on doit répandre par arpent, & combien de temps il convient de la laisser exposée à l’air, comme si la délitescence de la marne ne dépendoit pas du climat, en même temps que de la plus ou moins grande quantité d’argille qu’elle contient. Plus elle sera argilleuse, & plus elle doit rester exposée à l’air ; plus elle sera calcaire, & plutôt elle sera réduite en poussière. Tels sont les principes d’après lesquels on doit se régler.

Je ne fixerai point le nombre de tombereaux de marne à répandre sur un arpent, parce que leur grandeur varie d’une province à une autre, & qu’il y a une très-grande différence entre la capacité d’un tombereau à vache ou à bœuf, ou à mule, ou à cheval, capacité toujours relative à la force de l’animal, & à la difficulté du transport. Enfin, le nombre des tombereaux dépend de la qualité du champ que l’on veut marner. On peut dire, en général, qu’un champ, suivant ses besoins & suivant la nature de son sol, est bien marné, lorsqu’il est recouvert, depuis quatre lignes jusqu’à douze d’épaisseur, & qu’une prairie qu’on veut rajeunir n’en exige que moitié, mais de la qualité de marne convenable.

Je sçais que dans plusieurs provin-