Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/465

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces, la marne argilleuse est employée pour fertiliser les terres argilleuses ou tenaces. Cet exemple prouve qu’il y a des abus par-tout ; ou bien qu’on n’a pas le choix dans les qualités de marne ; ou enfin, qu’on ignore les distinctions qui se trouvent entre-elles. Il vaut encore mieux se servir de marne argilleuse, que de se priver du bénéfice qui en résulte, sur tout si la dépense est trop considérable pour se procurer la qualité que l’on désire, & si le transport, ou l’extraction de la marne augmente beaucoup la dépense.

Doit-on transporter la marne dans les champs, & l’y laisser par petit tas, ou la répandre aussitôt après l’avoir apportée ? Les cultivateurs & les écrivains ne sont pas d’accord sur ces points, parce que les uns ne voient que leur canton exclusivement à tout autre, & pensent, que par-tout l’on doit opérer comme chez eux, puisqu’ils réussissent : ceux-ci généralisent trop la solution du problème, en partie décidée par la qualité de la marne. Par exemple, la marne qui surabonde en parties calcaires n’a pas besoin de beaucoup de temps pour se déliter & se réduire en poussière, elle peut être répandue tout de suite, telle qu’on la sort de la marnière, à moins que les blocs ne soient trop forts ; il suffit de faire cette opération quelques jours avant de labourer. Il n’en est pas ainsi de la marne qui surabonde en parties argilleuses, c’est la plus ou moins grande quantité d’argille qu’elle contient, qui déterminera le temps qu’elle doit rester à l’air. Mais doit-elle être ammoncelée, pour être ensuite répandue, après un laps de temps quelconque ? Je ne le crois pas. La délitescence de la marne ne s’exécute que couche par couche, & l’humidité de l’atmosphère qu’elle absorbe. Ainsi, plus le monceau sera considérable, & plus longue sera la délitescence totale. Quelle nécessité y a-t-il donc de perdre du temps ? Il me paroît qu’il est bien plus naturel, si les blocs sont trop gros, de les briser avec la masse sur le sol, & d’étendre au soleil la marne, à-peu-près dans la proportion d’épaisseur qu’on juge nécessaire ; alors elle se délite bien plus vite & bien plus efficacement, puisque chaque morceau est environné par l’air atmosphérique, & présente plus de côtés pour l’absorption de l’humidité. Lorsque la marne est bien délitée, il ne reste qu’à faire passer la herse (Voyez ce mot), armée de branches ou de fagots d’épines. Cette opération dispense d’employer des hommes, elle est plus expéditive, & distribue la marne plus également ; au lieu que si elle a été amoncelée en petit tas, il faut nécessairement que des hommes la répandent avec une pèle ; ce qui multiplie les frais. Aussitôt qu’elle est répandue, on doit l’enterrer par un bon labour. La marne, portée sur le champ en septembre ou en octobre, laisse le temps propre à donner un labour avant l’hiver, qui dispose le champ à recevoir les impressions météorologiques de cette saison. Consultez les mots Amendement & Labour. En enfouissant la marne avant l’hiver, soit qu’on l’ait portée sur le champ aussitôt après la récolte, soit dans le courant de septembre, elle a le temps d’être pénétrée par les pluies d’hiver ; ses sels, son humus, & son air fixe ont le temps de s’unir avec la terre matrice, & de la diviser. Les labours que l’on donnera après l’hiver, pendant le