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coup de prairies, peu de terres labourables, & peu de vignes, exige bien moins de bras que celle dont le principal revenu est en grains, & celle-ci, beaucoup moins que celle dont la majeure partie est en vignoble que l’on travaille à la main. Tout est relatif ; dès-lors les généralités, même en supposant les possessions contigues, ne présentent rien de déterminé. Que sera-ce donc, si des champs sont éloignés, les chemins mauvais, & dans des pays de coteaux & de montagnes, dans des cantons habituellement froids & pluvieux, &c. &c. C’est au propriétaire à entrer dans ces détails, après avoir bien apprécié la nature de ses possession.


CHAPITRE II.

Est-il plus avantageux pour l’état ou le particulier, d’avoir de grandes possessions réunies autour de la métairie.


Section Première.

Des grandes possessions relativement à l’état.


La prospérité d’un état tient à sa population ; une partie de cette population produit & consomme ; l’autre consomme & perfectionne, & la troisième consomme sans produire. Le cultivateur fournit les matières premières, l’artisan les embellit, & l’argent du riche solde la main-d’œuvre des deux premiers. Demandera-t-on actuellement laquelle de ces trois classes de citoyens est la plus utile à l’état ? La prééminence doit être sans doute décernée à celle qui est méprisée par les deux autres, à l’honnête & au bon cultivateur. Sans ses sueurs, sans ses travaux, que deviendroient les artistes & les gens riches ? Et sans eux les cultivateurs n’auroient-ils pas toujours les ressources de l’exportation de leurs denrées en nature. Plus on donne d’étendue à une métairie, & moins, circonstances égales, le nombre des travailleurs est augmenté. Pour se convaincre de cette vérité, il suffit de comparer les pays de vignoble, où l’on ne laboure pas les vignes, & où tout le travail est fait à la main, avec les pays de plaine, réservés ou aux prairies, ou à la culture des grains. Dans celui-ci, on y voit par-ci, par-là, quelques grosses métairies, & très-éloignées les unes des autres ; tandis que dans celui-là, les villages se pressent & se touchent ; la population y est nombreuse, parce que l’air des coteaux est plus sain que celui des plaines ; enfin, il faut des hommes pour travailler les vignes, & le bétail les supplée dans la plaine. Sur les coteaux tout est productif ; dans la plaine, un tiers du sol est sacrifié à la nourriture du bétail quelconque ; ordinairement le second tiers de ce sol reste une année en jachère ; enfin, le troisième tiers est productif. Je sais qu’il y a beaucoup d’exception à faire contre ces assertions ; mais ce n’est pas ici le cas d’entrer dans des détails étrangers à l’objet présent, ni d’examiner s’il ne seroit pas plus avantageux que toute culture fût faite à bras d’homme que par le bétail. Il est hors de doute que le produit en seroit plus considérable si la population étoit plus nombreuse, un plus grand nombre d’individus vivroit & bénéficieroit sur le produit de la culture. Un