Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/550

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en coûte plus à gagner la première pistole que le second million. Mais, tout propriétaire, dont les fonds ou les avances sont en raison des besoins d’une métairie ou d’une ferme, n’a aucunement besoin de moyens excédens, à moins qu’il ne veuille donner dans les spéculations ; dès-lors c’est un objet à part, & qui n’a point de rapport à la circonstance dont il s’agit. Que l’étendue de la métairie soit plus ou moins forte, cela est indifférent, si on a les avances nécessaires ; mais, au contraire, dit Columelle, si le champ est plus fort, le maître sera écrasé. Il doit donc y avoir des proportions entre le fonds & les avances, le surplus est inutile. Admettons qu’un homme riche prenne à ferme votre métairie par un bail de six ans : (Voyez le mot Bail) telle est l’époque la plus commune dans plusieurs de nos provinces. Croirat-on, de bonne foi, que ce fermier fera de grosses avances en réparations & améliorations pour un terme si court ? C’est-à-dire, vous supposez qu’il bonifiera vos champs pour ses successeurs ? C’est bien peu connoître cette classe d’homme ; elle ne prend une ferme que pour y gagner, & cela est juste. Il n’en est pas ainsi du maître, du véritable propriétaire ; il profite des années & d’abondance (Voyez ce mot), afin de prévenir les fâcheux effets des années de disette ; enfin, de ses épargnes il améliore sa possession, & il l’arrondit par des acquisitions nouvelles. Le propriétaire, beaucoup au-dessus du produit de ses champs, après les avoir bonifiés, place son argent ; il sait, d’après Pline, qu’on doit donner le nécessaire à un champ, & rien de plus, & que rien n’est moins lucratif que de le trop bien soigner. Ainsi, en tout état de cause, pourvu que le propriétaire ne soit pas au-dessous de sa possession, tout ira bien, & l’homme opulent n’y gagneroit pas davantage.

L’éducation des chevaux, du bétail & des troupeaux, dépend des circonstances locales, & elle sera toujours en proportion de l’étendue du domaine, & de la possibilité ou de l’avantage de s’y livrer. Les préceptes coûtent peu à donner, c’est la manie des écrivains, & sur-tout de les généraliser ; mais ils ne font pas attention que le propriétaire intelligent voit & connoît mieux qu’eux la partie de son champ.

2o. Il y a moins d’avances à faire pour une grande que pour deux métairies de contenance égale à la première. Cette proposition est très-vraie en général ; mais la grande produira-t-elle autant que les deux petites ? Je ne puis me le persuader. Que l’on embrasse dans une circonférence, par exemple, cent métairies ; que l’on examine la quantité de valets, d’animaux qui en font le service ; que l’on évalue l’étendue du sol, en proportion de leur nombre, & j’ose avancer, qu’en supposant même toutes les saisons régulières, il y en aura quatre-vingt-quinze qui n’auront ni assez de monde, ni assez de bétail, & que les travaux seront toujours faits à la hâte, & arrièrés. La perte est donc double dans la métairie unique. Que sera-ce donc si les saisons sont dérangées, & si le chef des ouvriers n’est pas vigilant & laborieux. Dans le cas de maladie du bétail, les ressources, le supplément de travail dans les petites métairies sont plus faciles, parce qu’on trouve plutôt cinq hommes que dix, & le