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leurs effets qu’on est parvenu à en soupçonner l’existence. »

C’est ainsi qu’un homme attaqué de la peste peut répandre cette maladie dans plusieurs pays. La petite vérole en fournit encore un autre exemple. Personne n’ignore que, quoiqu’elle se communique par le contact immédiat, soit en rendant des soins à celui qui en est attaqué, soit en habitant dans la même chambre & dans la même maison, elle se communique encore par l’air, qui étant le véhicule des corps les plus subtils, & de plusieurs qui sont seulement divisés ou atténués jusqu’à un certain point, transporte & répand de tous côtés les miasmes varioliques. Bientôt ils infectent un village, un bourg, une ville ; il naît une épidémie plus ou moins violente, qui s’étend principalement sur les enfans, sans cependant épargner les adultes qui ne l’ont pas eue.

On peut assurer, que les maladies épidémiques se propagent plus par les miasmes dont l’air est infecté, que par le contact immédiat ; car on sait que quoiqu’on s’éloigne des endroits où elles règnent, & qu’on n’aborde point les appartemens où sont des malades infectés de la contagion, on peut cependant être attaqué de cette maladie.

Quelques médecins ont observé & prédit qu’une épidémie étoit prochaine, parce qu’il souffloit un vent d’une ville où elle règnoit, & leur prédiction s’est trouvée juste. Comment, en effet, prévenir, s’écrie M. Fouquet, célèbre médecin de Montpellier, la subitanéité avec laquelle le venin, c’est-à-dire le miasme destructeur, vous frappe à l’improviste ? C’est l’air ou le vent qui l’apporte des pays très-lointains ; c’est un oiseau qui, franchissant l’intervalle immense des terres & des mers, vient d’une région inconnue, infecter vos contrées. On peut se rappeller que la peste fut apportée, il y a quelques années, en Italie, par une corneille. Dans la dernière peste de Marseille, les oiseaux quittèrent le pays, & n’y revinrent qu’après qu’elle fut entièrement dissipée. C’est l’air qui, en Égypte, est comme le premier réceptacle, la première matrice où se dépose la pestilence, un des produits naturels de cette contrée mal-saine, & le vent en est le rapide messager, qui la transporte & la répand au loin, sur tous les corps animés. Nous sommes cependant bien éloignés de dissuader les personnes qui n’ont pas eu la petite vérole, de prendre toutes les précautions que la prudence leur dicte à cet égard. (Voyez Contagion) M. Ami.

Personne ne respecte plus que moi les décisions de MM. les médecins ; mais il est permis d’avoir un avis différent, quand il a pour base l’expérience. J’ose le dire, l’air n’est pas plus le véhicule de la peste, des maladies vénériennes, de la phtisie pulmonaire, de la gale, de la lèpre, du cancer, du charbon dans les animaux, &c. que de la petite vérole pour l’homme, & du claveau ou clavettée pour les moutons ; le contact seul, est son véritable véhicule. Un cordon de troupes bien serrées, est le meilleur préservatif contre la peste ; jamais elle ne passe la ligne de démarcation. On peut dire que pendant plus de la moitié de l’année il y a des pestiférés dans les lazarets de Marseille, de Livourne, de Gênes, &c. & cependant ces villes ne sont pas infectées de la peste. Or, si l’air