Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/604

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

truosités que les différents observateurs ont recueillies ; mais afin qu’on les saisisse mieux, nous les classerons suivant les parties principales des plantes, en suivant les genres de monstruosités : observons ici qu’il ne s’agit que de monstruosités de naissance & de végétation, & non de monstruosités produites par des insectes.

1°. Monstruosités des tiges. Les tiges sont sujettes à plusieurs espèces de monstruosités, principalement à celles de conformation. Dans presque toutes les plantes, les tiges sont rondes, c’est la figure que la nature leur a assignée, comme la plus propre à la circulation égale des sucs ; cependant il s’est trouvé beaucoup d’exemples où l’on a vu cette forme varier, sur-tout s’aplatir & offrir l’image d’une bande platte ou de rubans. Borrichius a observé un geranium qui avoit deux tiges ainsi aplaties & larges de près de deux doigts ; chacune de ces tiges plattes étoit formée de quinze petites qu’on pouvoit encore distinguer, & qui s’étoient réunies & collées ensemble sur un même plan. Cette monstruosité s’étendoit jusqu’à quelques-unes des branches supérieures. La plante arrachée, la racine a paru nouée & tortillée contre son ordinaire. Un hissope, un lis martagon, & une couronne impériale, lui ont offert le même phénomène.

M. Scholotterberg cite un lilium album polyanthos, le lis blanc ordinaire, dont la tige composée d’un grand nombre d’autres, avoit trois doigts de diamètre. On en a des exemples communs encore dans les tiges de l’amarante qui s’aplatissent assez, souvent ; dans celles du maïs, de la chicorée sauvage, de la valériane, dans les branches du frêne, du saule, &c.

Ces aplatissements des tiges, sont dûs à la réunion naturelle de plusieurs tiges, & dont il est à croire que le principe existoit dans le fœtus même, puisqu’ils ont lieu sur la plante très-petite, comme sur la plante développée, & presqu’à son point de perfection. Cet excès de parties dans le végétal, est analogue à l’excès de parties dans l’animal, comme un quadrupède à six pattes, &c. ; mais le règne végétal offre souvent une autre espèce de monstruosités beaucoup plus rare dans le règne animal ; c’est la réunion de tiges de différentes natures ; je vais en citer quatre exemples singuliers. M. Lalandrini a observé un tuyau de froment de l’un des nœuds duquel sortoit un second tuyau qui portoit à son extrémité un tuyau d’ivraie ; & l’ayant disséqué à l’endroit de leur insertion, il a trouvé leurs membranes parfaitement continues.

Les frumentacées ont offert à Wormins un exemple de monstruosité pareille, celle de l’orge avec le seigle. C’étoit un court épi, partagé en quatre pointes, d’un pouce de longueur, qui à la première vue paroissoit être un vrai épi d’orge, mais qui renfermoit réellement tout-à-la-fois du seigle & de l’orge. Les quatre branches de cet épi, étoient disposées de façon, qu’alternativement la première n’avoit que des grains d’orge au nombre de cinq, & la seconde des grains de seigle. Les grains d’orge avoient leur longueur, leur dureté, leur rudesse ordinaires, & les barbes dont ils sont naturellement garnis ; caractères qui ne se trouvoient point dans ceux du seigle.