Le professeur Gesner de Zurich (ce savant si estimable par l’étendue de ses connoissances, la franchise de ses vertus, l’aménité de son caractère, auquel je me plais à rendre ici un tribut de reconnoissance pour les bontés dont il m’a honoré à mon passage à Zurich, en 1784) a donné une description circonstanciée de l’union monstrueuse de la pâquerette avec la renoncule, & de plantes de divers genres, de divers ordres & de diverses classes.
L’exemple suivant, sans être aussi frappant, n’est pas moins intéressant ; il est dû aux observations du P. Cotte. C’est une carotte, moitié carotte & moitié betterave. Cette espèce de monstre avoit un pied de longueur & vingt-sept lignes dans son plus grand diamètre ; l’extérieur étoit rouge comme une betterave : cette couleur n’étoit pas particulière à la peau, elle s’apercevoit encore tout autour dans l’espace d’une ligne ; le centre de cette racine étoit teint de la même couleur dans un espace de six lignes jusqu’aux deux tiers de sa longueur ; tout l’espace intermédiaire étoit jaune. Cette carotte cuite avoit le goût de la carotte & de la betterave.
2o. Monstruosités des feuilles. Les monstruosités des feuilles sont infiniment plus communes que celles des tiges, & l’on pourroit même dire qu’il y a peu de plantes à feuilles composées ou sur-composées qui n’en offre quelqu’exemple, plus fréquemment cependant dans les espèces herbacées, que dans les ligneuses ; nous en citerons quelques-uns.
M. Bonnet, cet illustre & exact scrutateur de la nature, a observé un grand nombre de variétés très-frappantes dans les folioles du framboisier, qui sont autant de monstruosités qui doivent leur origine à la réunion ou à la greffe des folioles les unes avec les autres. Il a remarqué que dans les feuilles à cinq folioles, ce sont toujours celles de la seconde paire qui s’unissent à celles de l’extrémité du pédicule ; la proximité qui est entre ces folioles, favorise cette union. Tantôt il n’y a qu’une seule foliole qui se greffe à celle de l’extrémité ; tantôt c’est la paire entière ; tantôt l’union se fait dans toute la longueur de la foliole ou des folioles ; tantôt elle ne se fait que sur la moitié, le quart ou une très-petite partie de cette longueur. La jonction commence toujours à l’origine du pédicule particulier. On voit ordinairement à l’endroit de la réunion, un pli ou une espèce d’arrète.
Les folioles de la feuille du noyer, sont sujettes à de pareilles difformités. M. Bonnet en a vu une feuille à cinq folioles, dont celle de l’extrémité étoit plus petite que les autres, & parfaitement circulaire ; dans d’autres, les folioles tenoient au pédicule commun, non-seulement par un court pédicule, mais encore par une espèce de peau ou de membrane, qui donnoit à ces folioles une figure très-irrégulière. Dans une autre feuille, l’extrémité portoit deux folioles, dont l’une étoit fort échancrée d’un côté ; il y a observé souvent des greffes semblables à celles des feuilles du framboisier, & dans une sur-tout, que toutes les folioles s’étoient réunies, de façon que la feuille offroit une forme très-bizarre, qu’elle étoit un peu plissée, & que sa principale nervure, au lieu d’être ar-