Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/613

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vents du sud, & exposée à ceux du nord, devient beaucoup plus froide qu’un semblable terrein, & sous le même parallèle, dont la chaîne de montagne seroit du nord au sud. (Voyez ce qui est dit au mot Abri, la troisième partie du mot Agriculture, chapitre II, page 266, où il est question de la dépendance des objets, de l’agriculture, relativement aux bassins & aux abris.)

Les effets produits par les montagnes ne sont pas par-tout les mêmes. Par exemple, la haute chaîne de montagnes appellée Gâte, qui s’étend du nord au sud, depuis les extrémités du mont Caucase jusqu’au Cap Comorin, a d’un côté la côte du Malabar, & de l’autre celle de Coromandel. Du côté du Malabar, entre cette chaîne de montagnes & la mer, la saison de l’été a lieu depuis le mois de septembre jusqu’au mois d’avril, & pendant tout ce temps, le ciel y est serein & sans aucune pluie ; tandis que sur l’autre côté de la montagne, sur la côte de Coromandel, c’est la saison de l’hiver & des pluies sans relâche. Mais, depuis le mois d’avril jusqu’au mois de septembre, c’est la saison d’été du pays, tandis que c’est celle de l’hiver du Malabar ; en sorte qu’en plusieurs endroits, qui ne sont guère éloignés que de vingt lieues de chemin, on peut, en croisant la montagne, se procurer une saison opposée, en deux ou trois jours. L’Arabie, le Pérou, offrent la même singularité, & l’on pourroit, sans sortir du royaume, ne pas remarquer, il est vrai, des altérations si frappantes, mais beaucoup de petites dégradations de ces grands phénomènes. Toujours est-il certain que nos chaînes de montagnes décident du genre de culture des environs, & que suivant les abris qu’elles offrent, elles augmentent l’intensité de chaleur, ou la diminuent, comme on en voit un exemple frappant entre Gênes & la province de Guipuscoa en Espagne, bien plus méridionale que cette partie de l’Italie. Les divers genres d’agriculture tiennent à la diversité des climats, celle des climats à la diversité des abris, & les abris quelconques, à la disposition des montagnes.

L’on remarque, si les montagnes sont sèches, c’est-à-dire, si depuis long-temps il n’y est pas tombé de la pluie, que les vents qui les traversent sont chauds & brûlans pendant l’été. Si, au contraire, elles sont mouillées, humides, &c. ces mêmes vents tempèrent les chaleurs dans les provinces du midi, produisent des sensations froides dans celles du centre du royaume, & un vrai froid dans celles du nord, parce que ces vents augmentent l’évaporation de l’humidité, & l’évaporation produit le froid. Lorsqu’elles sont chargées de neiges pendant l’hiver, le grand vent la mange, expression populaire, qui désigne son action sur la neige, il en détache & entraîne avec lui la couche supérieure, la neige perd de son épaisseur, & celle qui est entraînée augmente le froid dans l’atmosphère. C’est d’après de semblables observations, qu’on parvient petit-à-petit à étudier la manière d’être des saisons du pays que l’on habite, la cause de plusieurs phénomènes locaux, soit utiles, soit nuisibles. Il convient d’en rapporter un bien singulier.

Le bas-Languedoc est traversé de l’est à l’ouest par une grande chaîne