Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/619

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grappes au haut des tiges, & les feuilles sont placées alternativement.

Lieu. Les endroits humides, les haies, les buissons ; la plante est vivace par ses racines seulement, & fleurit en mai & juin.

Propriété. Feuilles inodores, d’une saveur purement douceâtre, ensuite légèrement amère, enfin âcre. Elles sont apéritives, détersives, résolutives, expectorantes.

Voici comment s’exprime M. Vitet dans sa pharmacopée de Lyon. Les feuilles de la douce-amère sont un urinaire actif, ne causant ni ardeur, ni douleur dans les premières voies, si elles sont prescrites à petites doses dès le commencement de l’administration ; elles sont indiquées dans la colique néphrétique par des graviers, la difficulté d’uriner par des matières pituiteuses, l’ulcère de la vessie, le scorbut & ses ulcères, les écrouelles, le rhumatisme par des humeurs séreuses, l’asthme pituiteux, la jaunisse par obstruction des vaisseaux biliaires. Il est permis de douter de leur utilité dans la suppression du flux menstruel, occasionné par des corps froids, & dans la morsure de la vipère… Il est très-rare qu’elles purgent, qu’elles provoquent la sueur, qu’elles calment les douleurs de la goutte, du cancer, & favorisent la résolution de la pleurésie par des matières pituiteuses.

M. Razoux, docteur en médecine, très-distingué, de la ville de Nismes, communiqua en 1758, à l’académie royale de sciences de Paris, un mémoire sur la douce-amère, & on doit avec raison, regarder ce médecin comme le promoteur de ce remède en France. Le célèbre Von Linné caractérisoit de l’épithète d’héroïque, les vertus de cette plante ; c’est lui qui les fit connoître à M. de Sauvages, dont la mémoire sera toujours précieuse aux médecins, & celui-ci à M. Razoux son digne ami. Une demoiselle avoit un chancre scorbutique à la lèvre supérieure, & un autre à la lèvre inférieure : tous deux avoient les symptômes de cette grande malignité qui caractérisent les maux de cette espèce ; les dents se détachoient presque de leur alvéole, & le corps étoit parsemé de taches rouges, violettes ou brunes, une fièvre quotidienne paroissoit tous les soirs, & étoit marquée par un frisson assez fort. Tous les remèdes indiqués dans ce genre de maladie, furent mis en usage sans succès. Enfin M. Razoux se détermina à faire prendre à la malade la décoction de la douce amère ; les premiers essais ne furent pas heureux, les douleurs dans les extrémités devinrent excessives ; il s’y joignit des élancemens si vifs dans la tête, que suivant les expressions de la malade, on lui arrachoit les yeux. Malgré ces fâcheux présages, on continua l’usage de cette décoction, & quelques jours après les chancres donnèrent une bonne suppuration, se cicatrisèrent, les taches disparurent, & enfin la malade recouvra la santé ; elle fut mise ensuite au lait d’ânesse pour terminer la maladie, qui a été sans récidive. Voici comment M. Razou a administré ce remède. On prend en commençant, un demi gros de la tige récente ou fraîche de cette plante ; on en ôte les feuilles, les fleurs & les fruits ; on la coupe par petits morceaux & on la fait bouillir dans seize onces d’eaux de fontaine, jusqu’à la diminution de moitié. On coule cette décoction, on la mêle avec partie égale de lait de vache bien