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le suc ; si le malade a de la répugnance à avaler, parce qu’il a le col gonflé, il faut la lui faire prendre de force. Cette dose suffit pour l’ordinaire ; mais si le malade ne se trouve point soulagé, il faut au bout d’une heure lui en donner une seconde cuillerée, qui ne manque jamais de guérir.

Morsure de la vipère.

Les anciens ont très-bien connu la vipère à cause de son venin ; ils regardoient cet animal comme si terrible, qu’ils croyoient qu’il étoit envoyé sur la terre pour assouvir la colère de l’Être suprême, sur tous ceux qui avoient commis des crimes qui n’étoient point parvenus à la connaissance des juges. Les Égyptiens regardoient les serpens comme sacrés, & comme les ministres de la volonté des dieux qui pouvoient préserver les gens honnêtes de tout mal, & qui pouvoient beaucoup nuire aux méchans en leur faisant subir les plus cruels supplices.

C’est aussi d’après un culte aussi superstitieux, que l’antiquité a représenté la médecine sous l’image de la vipère, soit dans les statues, soit dans les armoiries : mais Macrobius en donne une raison toute opposée, & prétend, que comme les serpens changent de peau tous les ans, ils sont, par cela même, le vrai symbole de la santé, dont le recouvrement est sans contredit regardé comme un nouveau période de la vie : les dépouilles des serpens sont sans doute l’emblème de la vieillesse ; & le recouvrement de la vigueur, celui de la santé.

La vipère en mordant, exprime un suc venimeux, qui devient l’instrument & la cause des désordres les plus affreux.

Aussi-tôt qu’on a été mordu, on sent dans la partie une douleur vive, suivie d’un engourdissement, d’un gonflement, & d’une espèce de bouffissure ; insensiblement la partie se tuméfie, & perd entièrement le mouvement & le sentiment. L’enflure gagne insensiblement des pieds aux jambes & aux cuisses, des mains au bras & à l’avant-bras. Mead a observé des maux de cœur, des foiblesses, des défaillances, des vertiges, des convulsions, & le vomissement de matières bilieuses. Son observation est en cela bien conforme à celle de Vepfer, sur les effets des poisons ; il ajoute, que lorsque la maladie est sur son déclin, & que les symptômes augmentent, la couleur de la peau devient d’un jaune foncé.

Le vrai spécifique du venin de la vipère, est l’alkali volatil, pris à la dose de six gouttes dans un verre d’eau, & versé en assez grande quantité sur chaque blessure pour servir à les bassiner & à les frotter. C’est à l’illustre Bernard de Jussieu qu’on est redevable de cette découverte ; il fut le premier qui guérit un étudiant en médecine, qui fut mordu un jour d’herborisation par une vipère, uniquement avec de l’eau de Luce, qui n’est qu’une préparation d’alkali volatil, uni à l’huile de succin. Ce même malade étant tombé, quelques heures après ce remède, en défaillance, une seconde dose dans du vin la fit disparoître ; on le réitéra dans la journée ; il fit désenfler les mains, en faisant le lendemain des embrocations avec de l’huile d’olive, à laquelle on avoit ajouté un peu d’alkali volatil, & fit disparoître l’engourdissement du bras, & une jaunisse qui avoit paru le troisième jour,