de ménage fait de toutes farines, en n’ôtant que le gros son & les recoupes ; ce pain n’est pas parfaitement blanc ; il est plutôt jaune mêlé de gris ; c’est pourquoi les habitans des villes pourroient le confondre au premier coup-d’œil avec le pain bis-blanc ; mais la différence en est bien grande, puisque dans ce dernier, on a extrait la farine de blé ou le blanc, & la farine savoureuse du premier gruau pour faire le pain blanc, & que le pain bis, & le bis-blanc ne sont faits que de seconde, troisième & quatrième farines de gruaux & recoupettes, suivant le nombre de fois qu’on les fait remoudre. Souvent encore mêle-t-on du son & des recoupes dans le pain bis. Le pain de ménage, au contraire, est fait en mêlant ensemble toutes les farines, soit la farine de blé, soit les farines de gruau & le produit des remoulages.
On dira que le son d’une mouture économique ne vaut rien pour les animaux ; ce son, il est vrai, n’est pas si gros, ni si chargé de farine. Mais apprenons à tirer toute la farine de nos grains, nous serons les maîtres de laisser aux animaux la nourriture quand nous le voudrons, c’est-à-dire dans les années abondantes. D’ailleurs on voit les pauvres manger du sarrasin, même de l’avoine, de l’orge, du seigle ergotté, &c. Qu’on donne aux animaux tous ces grains, & qu’on fasse manger aux pauvres la farine de froment, en apprenant bien la mouture, & à tirer tout le produit du grain.
Jusqu’ici, ceux qui suivoient la mouture économique ne faisoient remoudre que les gruaux ; mais, malgré toutes les ressources de l’art, il restoit encore beaucoup de parties farineuses attachées aux recoupes & aux sons. Ces parties retranchées sur la substance du pauvre, pouvoient être épargnées en faisant remoudre les écorces dans lesquelles elles étoient retenues, pour les mêler avec toutes les autres farines. C’est là la véritable mouture des pauvres & des maisons de charité, puisque c’est celle qui donne le plus grand produit, la meilleure nourriture & le moins de déchet. Il est vrai que le pain est moins blanc ; mais est-ce la couleur qui fait le bon pain ?
La mouture des pauvres, dite à la Lyonnoise, au lieu de cent soixante-quinze à cent quatre-vingt livres de farine que peut rendre le setier de blé du poids de deux cent quarante livres par la mouture économique, en peut tirer jusqu’à cent quatre-vingt quinze de toute farine ; ce qui fait quinze livres de farine de plus sur le setier, & près de sept pour cent sur le produit en farine. Le même setier moulu à la Lyonnoise, rend environ deux cent soixante livres de pain, &c. C’est par cette économie que l’Hôpital-général de Paris a épargné près de cinq mille setiers par année, lorsque le sieur Buquet fut chargé des moutures de cet Hôpital. Les preuves de ce fait sont authentiques, puisqu’elles sont consignées dans les registres de cette maison, & dans le rapport imprimé de l’un des administrateurs, &c.
En effet, le setier de blé ne produisoit, lors de l’entrée du sieur Buquet à l’Hôpital, que de cent soixante-quinze à cent soixante-dix-huit livres de farine, & il l’a porté de cent quatre-vingt-dix à cent quatre-vingt-quatorze. L’Hôpital consomme six à sept muids par jour :