Dans tous les pays où la mouture économique n’est point adoptée, il seroit du moins intéressant, lorsqu’il s’agit de petites moutures, de faire remoudre toute la quantité des sons, une ou deux petites fois, & de bien alonger la farine. Le produit se trouveroit à-peu-près le même que celui de la mouture économique, quoique la farine n’en fût pas si purgée de son, à cause du dodinage qui tire chaque partie à blanc ; mais du moins l’on éviteroit sur cette denrée la perte de la mouture rustique. Quant à la mouture en grosse, comme on ne tire pas les sons au moulin, on ne peut pas les faire remoudre, & la perte qu’elle fait faire sur les seigles est inévitable.
Si la nature même des choses exige que les procédés de la mouture des seigles soient différens de ceux de la mouture des fromens, & que même le rabillage des meules & les rayons varient suivant l’espèce à moudre, il est évident que tous les mélanges de seigle & de froment, connus sous les noms de méteil, conceau, mescle, méléard, cossegail, &c. seront toujours désavantageux à toutes les moutures. Cela sera encore plus sensible, si l’on réfléchit qu’à chaque broiement des parties de froment, soit entières, soit en gruaux, l’adresse du meûnier consiste dans l’art d’enlever légèrement la pellicule extérieure, tandis que dans le seigle, le son étant plus adhérent par sa nature à la farine, il faut un broiement plus fort & plus serré pour l’en détacher.
Il seroit donc intéressant de faire toujours moudre le froment d’un côté, & le seigle à part, suivant les procédés détaillés ci-devant pour chaque espèce, afin de mieux tirer toute la farine. Sans cela, la différente configuration de ces deux espèces de grains fait que l’un est broyé & haché sous la meule, tandis que l’autre n’est qu’applati ou à peine concassé, ce qui produit une perte considérable dans la mouture, mais bien moins grande dans la mouture économique que dans les autres, parce que celle-là se tempère par le remoulage des gruaux. Au reste, ces observations sur les méteils ne concernent que ceux qui sont dans l’habitude de mêler le seigle & le froment avant de les envoyer au moulin ; car lorsque ces deux sortes de blés ont été semés & récoltés ensemble (ce qui est encore désavantageux, puisque le temps de leur maturité n’est pas le même), il est alors impossible de les moudre séparément : mais du moins dans ce cas, il n’y a que la mouture économique qui puisse diminuer le déchet & la perte que l’on fait sur les méteils.
La mouture économique des orges demande aussi des attentions particulières. Il faut bien se garder de remoudre la totalité des sons comme cela se fait pour les seigles, parce que la paille de l’orge passeroit alors dans le bluteau, & seroit préjudiciable à la conservation des farines, à la beauté du pain, & même à la salubrité. Il faut nécessairement mettre un dodinage ou une bluterie pour en tirer la paille : ensuite on fait remoudre deux fois les gruaux bis & blancs qui en sortiront, en ayant soin de les bien affleurer. Puis on remoud les recoupes une seule fois & fort légèrement, sans approcher les meules que très-peu, afin que repassant