Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/754

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pâturer dans de bons herbages : c’est ce que l’on appelle l’engrais d’herbe, ou la graisse d’herbe. L’autre manière est de leur donner de bonnes nourritures au râtelier & dans des auges : c’est l’engrais de pouture, ou la graisse sèche, la graisse produite par des fourrages secs. La troisième manière est de commencer par mettre les moutons aux herbages en automne, & ensuite à la pouture.

Le temps nécessaire pour engraisser les moutons par les engrais d’herbages, est relatif à l’abondance & à la qualité de ces mêmes herbages ; lorsqu’ils sont bons, on peut engraisser des moutons en deux ou trois mois, & faire par conséquent trois engrais par an dans le même pâturage, en commençant dès le mois de mars. Lorsque les pâturages sont moins bons, il faut plus de temps pour engraisser les moutons.

Il faut laisser les moutons en repos le plus qu’il est possible, les mener très-doucement, prendre garde qu’ils ne s’échauffent, les faire boire le plus que l’on peut, & prendre bien garde qu’ils n’aient le dévoiement, qui est ordinairement occasionné par la rosée.

Cette manière d’engraisser les moutons n’a lieu qu’au printemps. En été & en automne, dans les pays où les gelées détruisent l’herbe, on mène les moutons au pâturage de grand matin, avant que le soleil ait séché l’herbe ; on les met au frais & à l’ombre pendant la chaleur du jour, & on les fait boire ; on les remène sur le soir dans des pâturages humides, & on les y laisse jusqu’à la nuit.

Les meilleurs herbages pour engraisser les moutons, sont la luzerne ; outre qu’elle est très-nourrissante, elle engraisse très-promptement ; mais on dit qu’elle donne à la graisse des moutons une couleur jaunâtre & un goût désagréable ; d’ailleurs elle peut les faire enfler, & par conséquent les faire mourir. Les treffles offrent les mêmes avantages & les mêmes inconvéniens que la luzerne : on prétend qu’ils rendent la chair jaunâtre, mais qu’elle a bon goût. Le sain-foin est fort bon pour engraisser, & l’on n’a rien à en craindre. Le fromental, la coquiole ou graine d’oiseau, le thimuthy, le ray-gras, les herbes des prés, surtout des prés bas & humides, & dans certains pays les chaumes après la moisson, & les herbages des bois, font aussi de bons engrais pour les moutons ; mais ils ne les engraissent pas aussi promptement que la luzerne, te treffle & le sain-foin.

L’engrais de pouture se fait pendant la mauvaise saison ; par exemple, à Noël. Après avoir tondu les moutons, on les renferme dans une étable, & on ne les laisse sortir qu’à midi pendant que l’on met de la nourriture dans leurs auges. Le matin & le soir on leur donne à manger au râtelier, & même pendant les nuits longues. On leur donne de bons fourrages & des grains ou d’autres choses fort nourissantes, suivant les productions du pays & le prix des denrées ; car il faut prendre garde que les frais de l’engrais n’emportent le gain que l’on devroit faire en vendant les moutons gras.

Dans plusieurs pays on donne aux moutons de trois ou quatre ans, le matin, trois quarterons de foin à chacun, & autant le soir ; à midi