Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/77

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passant à travers des interstices & des concavités qui y sont ménagées pour cet effet, forme des sons étranges & singuliers : ils mettent dans ces compositions les espèces les plus extraordinaires d’arbres, de plantes & de fleurs ; ils y forment des échos artificiels & compliqués, & y tiennent différentes espèces d’oiseaux & d’animaux monstrueux. »

» Les scènes d’horreur présentent des rocs suspendus, des cavernes obscures, d’impétueuses cataractes qui se précipitent de tous les côtés du haut des montagnes ; les arbres sont difformes, & semblent brisés par la violence des vents & des tempêtes. Ici on en voit de renversés qui interceptent le cours du torrent, & paroissent avoir été emportés par la fureur des eaux ; là, il semble que, frappés de la foudre, ils ont été brûlés & fendus en pièces ; quelques-uns des édifices sont en ruines, quelques-autres consumés à demi par le feu : quelques chétives cabannes dispersées çà & là, sur les montagnes, semblent indiquer à la fois l’existence & la misère des habitans. À ces scènes, il en succède communément de riantes. Les artistes chinois savent avec quelle force l’ame est affectée par les contrastes, & ils ne manquent jamais de ménager des transitions subites, & de frappantes oppositions de formes, de couleurs & d’ombres. Aussi, des vues bornées, ils vous font passer à des perspectives étendues ; des objets d’horreur à des scènes agréables, & des lacs & des rivières, aux plaines, aux coteaux & aux bois : aux couleurs sombres & tristes, ils en exposent de brillantes, & des formes simples aux compliquées, distribuant, par un arrangement judicieux, les diverses masses d’ombre & de lumière, de telle sorte que la composition paroît distincte dans ses parties, & frappante dans son tout. »

» Lorsque le terrein est étendu, & qu’on peut y faire entrer une multitude de scènes, chacune est ordinairement appropriée à un seul point de vue ; mais lorsque l’espace est borné, & qu’il ne permet pas assez de variété, on tâche de remédier à ce défaut, en disposant les objets de manière qu’ils produisent des représentations différentes, suivant les divers points de vue ; & souvent l’artifice est poussé au point que ces représentations n’ont entr’elles aucune ressemblance. »

» Dans les grands jardins les chinois se ménagent des scènes différentes pour le matin, le midi & le soir, & ils élèvent, aux points de vue convenables, des édifices propres aux divertissemens de chaque partie du jour. Les petits jardins, où, comme nous l’avons vu, un seul arrangement produit plusieurs représentations, présentent de la même manière aux divers points de vue, des bâtimens qui, par leur usage, indiquent le temps du jour le plus propre à jouir de la scène dans sa perfection. »

» Comme le climat de Chine est extrêmement chaud, les habitans emploient beaucoup d’eau dans leurs jardins. Lorsqu’ils sont petits, & que la situation le permet, souvent tout le terrein est mis sous l’eau, & il ne reste qu’un petit nombre d’îles & de rocs. On fait entrer dans les jardins spacieux des lacs étendus, des rivières & des canaux. On imite la nature, en diversifiant, à son