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quinze à dix-huit pouces, & dans les trois années suivantes, sept à huit pieds de hauteur. Il ne s’agit pas ici des arbres élancés par l’élagage, ou de ceux regorgeans de nourriture dans le terrain des pépiniéristes, mais de ceux élevés en plein champ & dans un sol convenable & bien travaillé.

Deux bons labours par an, à la bêche ou à la pioche, suffisent à l’éducation des noyers en pépinières, cependant, plus on les multipliera & mieux l’arbre s’en trouvera. D’ailleurs, ces travaux détruisent les herbes parasites, objet de la plus grande importance pendant les deux premières années. Outre que ces façons données au sol, le rendent plus susceptible de jouir des bienfaits des météores, & de se les approprier, ils accumulent une plus grande masse d’air fixe, (voyez ce mot) dont les jeunes plants profitent. On ne fait point assez attention à cette opération soutenue de la nature, & on ne voit communément, dans un labour, que de la terre remuée. Voyez ce mot essentiel, ainsi que celui amendement, vous connoîtrez alors comment les plantes s’emparent de l’air fixe, comment il contribue à leur forte végétation ; enfin, comment il devient le lien, & le metteur en œuvre & l’assembleur, si je puis m’exprimer ainsi, de tous les différens principes qui constituent leur charpente.

On peut, à la troisième année, commencer à l’élaguer par le bas, rendre unie la plaie & la recouvrir exactement avec l’onguent de saint Fiacre. (voyez ce mot) Le bois du jeune arbre est tendre, presque spongieux & rempli de beaucoup de moelle ; dès-lors les plaies qu’on lui fait, tirent à conséquence si on n’a pas le soin de les garantir de l’impression de l’air. À la quatrième, à la cinquième & à la sixième, on continue à élaguer. Il est certain qu’en suivant cette méthode, on a des pieds très-forts. Les branches basses servent à retenir la séve & à fortifier le tronc.

Il m’importe fort peu que ces avis ne soient pas conformes à la conduite des pépiniéristes, dont la démangeaison d’avoir promptement des arbres à vendre, leur met sans cesse la serpette à la main ; mais ils sont conformes à l’expérience & aux loix de la végétation. On ne doit planter que des arbres déjà très-forts ; c’est gagner du temps. Olivier de Serre dit ; « pour avancement d’œuvre, fournissez-vous du plant de noyers les plus gros que vous pourrez rencontrer, à telle cause l’ayant bien laissé mûrir en la bastardière : ne tenant compte du mince & menu dont la foiblesse ne peut donner espérance que de tardif avancement, ni résister à la violence des vents, ni à l’importunité des bêtes qui souventes fois en frottant, & broutant les jeunes arbres de nouveau plantés… Le plus gros plant est le meilleur pour tost s’agrandir, de la reprise duquel ne faut douter ; encore que pour sa pesanteur fallût quatre à manier un seul arbre ; à la charge que la fosse soit à grande suffisance en largeur & profondeur pour à l’aise recevoir ses racines. »

Les cultivateurs qui désirent ne planter que des arbres faits, ne pas avoir l’embarras de placer des tuteurs aux plus jeunes, peuvent très-bien supprimer le pivot après la première année de pépinière sans avoir besoin de replanter. Il suffit, à cet effet, de