Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/120

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tain point, d’empêcher l’arbre de se mettre à fruit, puisque le bois y gagnera beaucoup. Tous les ans, ou tous les deux ans, on peut émonder cet arbre : 1°. de tous les bois morts s’il en a ; 2°. des branches qui se disposent mal ; 3°. des rameaux trop pendans. Cette époque passée, il n’a presque plus aucun besoin du secours de l’homme, à moins qu’un coup de vent, un ouragan n’aient brisé & déchiré quelques-unes de ses fortes branches, ou bien pour un peu receper les rameaux trop pendans vers l’extérieur.

Dès qu’en voit que l’arbre commence à être sur le retour, que sa tête commence à se charger de bois mort ; il est temps de mettre la coignée à sa racine, afin de prévenir un dépérissement qui diminue beaucoup la valeur du tronc. L’époque de la coupe de ces arbres, est lorsque la séve est concentrée dans les racines, lorsque depuis quelques semaines, il règne un vent du nord sec & même froid ; la lune n’influe en rien sur cette coupe : dès que cet arbre est couché par terre, on coupe toutes ses branches près du tronc ; on ménage les plus grosses, afin de leur conserver leur longueur ; & les petites sont brisées & destinées au feu. Aussitôt après la séparation des branches, il convient d’écorcer le tronc, & de le placer ensuite droit sous un hangar, afin qu’il sèche plus vite. Si on désire donner à ce bois une qualité supérieure, & diminuer le volume de son aubier, on écorcera le tronc sur pied pendant l’hiver, un an avant d’abattre cet arbre : cette petite préparation est peu dispendieuse, & d’un très grand avantage, principalement pour les beaux troncs des arbres, semés à demeure, & dont on n’a pas coupé le pivot.

On demande si, supposition faite que le noyer ne portât point de fruit utile, on devroit le semer & le cultiver uniquement pour son bois ? oui sans doute, puisque c’est le bois le plus utile pour la sculpture, pour la menuiserie & sur-tout pour les grosses vis ; car outre sa force, il est souple & pliant ; enfin, que coûte-t-il de hasarder quelques noix dans les scissures des rochers, & même dans des terrains ingrats, dont on ne retire aucun produit ; on dit que les noyers attirent la foudre plus que les autres arbres ; cela est vrai, en raison de leur grande circonférence & de l’humidité dont ils se chargent pendant l’orage, l’eau étant un excellent conducteur de l’électricité, & par conséquent du tonnerre. Nos ancêtres plus sages, & sur-tout plus économes que nous, plantoient, en noyers, les avenues de leurs châteaux, de leur maison de campagne : un luxe malentendu leur a fait substituer le tilleul stérile ou l’ormeau parasite ; cependant le noyer est le plus bel arbre d’Europe, & celui dont le produit est le plus considérable. Deux raisons ont concouru à sa proscription ; la première parce qu’il produisoit du fruit, & parce qu’il n’étoit pas décent, ou du bon ton, qu’un grand seigneur ne parût pas sacrifier tout à l’agrément. Le bourgeois a été assez sot pour imiter le grand seigneur. La seconde, parce que la transpiration des feuilles de cet arbre est forte, son odeur désagréable & porte à la tête : la première tient à une puérilité, mais la seconde est plus réelle ; cependant il est si facile d’y remédier, que l’on doit être étonné qu’on ne s’en soit pas