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Lorsque les noix ont été séchées d’après la première méthode, qui est à tous égards la meilleure, on les renferme dans un endroit qui ne soit ni trop chaud ni trop frais, afin de les empêcher de rancir, & souvent dans des coffres en bois de noyer, destinés à cet usage, & qui les mettent à l’abri des vicissitudes de l’atmosphère, tantôt sèche, tantôt humide. Les noix s’y conservent bonnes à manger d’une année à l’autre.

Le surplus de la récolte de celles que l’on garde pour manger, est destiné à faire de l’huile.

CHAPITRE VI.

De l’huile de noix.

La noix dans l’état de cerneau, renferme, à la vérité, les matériaux qui doivent dans la suite constituer l’huile, mais l’huile n’y est point encore formée ; elle est alors dans son genre ce que l’égrat ou verjus est au raisin avant sa maturité, c’est-à-dire, que la substance vineuse n’est pas développée dans le fruit ; il faut que la maturité opère cette magnifique & surprenante révolution.

L’amande blanche de la noix dont la pellicule qui la recouvre se détache encore aisément, commence à avoir, mais en très-petite quantité, quelques parties huileuses ; ce n’est que lorsque cette pellicule devient fortement adhérente, que l’huile remplace la partie émulsive… Ces différens états indiquent donc l’époque à laquelle on peut commencer à envoyer le fruit au pressoir. Si on se presse trop, on perdra beaucoup d’huile, & une même masse de fruit bien conservée en donnera beaucoup plus à la fin de l’année que trois mois après la récolte.

L’émondage des noix est une des plus agréables occupations des villageoises ; femmes, filles, garçons, enfans, se assemblent à la veillée, tour à tour dans les différentes habitations ; les uns cassent les noix, les autres assis autour d’une vaste table, éclairée par une lampe, séparent le fruit des coquilles. L’on chante, l’on rit, l’on fait des contes, & la joie règne dans ces assemblées. Si par mégarde une fille laisse un débris de coquille avec le fruit choisi, le garçon qui s’en apperçoit l’embrasse, afin de la rendre plus attentive à l’avenir, & quelquefois il est secrètement lui-même l’auteur de la faute dont il retire tout l’avantage. Comme les pères & les mères sont présens à l’émondage, tout y est décent, & les mœurs & la décence habitent encore aux villages un peu éloignés des grandes villes.

Les émondeurs & les émondeuses ont l’attention de ne laisser aucun débris de noix dans les coquilles, ni les débris des coquilles parmi les noix ; enfin, de séparer les amandes en deux lots. Le premier est destiné à celles dont la couleur blanche indique l’amande saine, & le second à celles dont la couleur est foncée ou noire. Les premières fournissent l’huile pour les apprêts, & les secondes, pour brûler.

Les personnes chargées de casser les noix, peuvent éviter beaucoup de peine aux émondeurs, s’ils ont l’attention de tenir la noix de la main gauche, qu’elle porte d’aplomb sur un billot, & la pointe en haut, sur laquelle frappe le petit maillet de bois tenu de la main droite.