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Il ne faut pas confondre avec cette espèce prolifère, un grenadin assez rare qui pousse du centre de sa fleur une tige de deux à trois pouces de hauteur, & au haut de laquelle on voit naître, végéter & fleurir une autre espèce en tout semblable à la première. Celui-ci mérite certainement plus que tout autre, le nom de prolifère. Les autres en diffèrent parce que ce sont des fleurs écrasées, & qui ne se détachent pas du fond.

Il y a encore une variété de grenadin bien singulière, dont les écailles inférieures du calice se multiplient beaucoup, de sorte que le sommet de la tige ressemble à un épi quarré, sans barbe, & au haut de laquelle la fleur épanouit. Cet épi a quelquefois depuis un jusqu’à deux pouces de longueur ; c’est là tout son mérite. Malgré cela, il a été pendant quelque temps fort recherché par les fleuristes ; mais dès qu’il est devenu commun, ils l’ont proscrit au point que l’espèce en est peut-être perdue.

La manière d’être des couleurs a établi de nouvelles distinctions dans les espèces jardinières, cependant subordonnées à leur forme. On les a divisées en fleurs à une seule couleur, en fleur de couleur piquetée, & en fleur à panache, de couleur différente de celle de la fleur. Ainsi on dit un grenadin, un grand œillet, &c. quand il est d’une seule couleur ; piqueté, panaché, quand il est de deux couleurs. On appelle bizarres ceux dont le piquetage ou les panaches sont de trois ou quatre couleurs différentes. Enfin, les œillets de couleur jaune, forment un ordre à part. On a commencé à avoir un grenadin jaune-paille, ensuite le piqueté, le panaché. De leur semis on a retiré l’œillet jaune, houppé, piqueté & panaché. Je ne sais s’il existe aujourd’hui un œillet jaune prolifère ; il y a trop long-temps que j’ai abandonné la culture des fleurs, pour être au courant de leur découverte.

Ces espèces jardinières que l’on différencie par les couleurs, varient souvent d’une année à l’autre, sur-tout pour les panachées ; sans doute parce que la saison, ou le défaut dans la culture ne leur a pas permis de se soutenir : cependant, si on multiplie ces espèces par les marcottes, si on leur donne tous les soins qu’elles demandent, elles reprennent leur première couleur. Quelle distance immense entre l’œillet type à cinq feuilles, croissant spontanément dans les champs, & l’œillet de l’amphithéâtre de quatorze à dix-huit pouces de circonférence ! Si les cultivateurs, à l’exemple des fleuristes, avoient, pour les plantes utiles, multiplié leurs attentions, nous aurions aujourd’hui des espèces aussi utiles que curieuses.

La nomenclature adoptée par les fleuristes, est un assemblage de mots vides de sens, puisque leur dénomination ne caractérise pas la fleur qu’elle doit désigner. Les noms d’Empereur, de prince de Brunswic, de Turenne, de royal, de superbe, &c. ne présentent aucune idée relative à la fleur. Ces nomenclatures, ces catalogues fastueux varient d’un pays à un autre, & doivent nécessairement varier chaque année par les semis qui sont la seule & unique manière de s’en procurer de nouvelles. Je n’entrerai donc dans aucun détail à ce sujet, puisque le lecteur