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Section II.

Des Espèces Jardinières du n°. I, & les seules dont on va s’occuper.

On a vu croître un mûrier sauvageon dans une exposition qui lui convient, sur un sol bien préparé & très-bon ; on a vu que ses feuilles étoient plus amples, moins divisées en lobes & plus épaisses que celles d’un mûrier, posé moins favorablement que celui-ci ; on s’est hâté d’y prendre des greffes, afin de perfectionner les pieds à feuilles moins belles & moins nourries. Des pousses de ces greffes on est successivement parvenu à avoir de la graine ; elle a été semée avec soin : les petites plantes, ou pourrettes bien cultivées dans la pépinière, ont encore offert des pieds à feuilles plus belles ; nouveaux semis, nouvelles greffes, & l’on est enfin parvenu à avoir de beaux arbres à grandes & belles feuilles sans sinuosités : on doit juger par là combien chaque climat, chaque attention a dû influer dans la multiplication des espèces jardinières, (voyez ce mot) & il en est résulté que chaque province a eu & doit avoir encore des espèces de cette classe, qui leur sont particulières. Il a fallu multiplier les dénominations pour les distinguer, & il en est résulté une nomenclature inintelligible pour tout cultivateur qui n’est pas de cette province & même de ce canton. Par exemple, dans plusieurs de nos provinces, on appelle mûrier d’Espagne, le même que dans d’autres on nomme mûrier rose ; sans doute que la graine, ou les premiers pieds ont été tirés d’Espagne, tandis que celle des roses a été tirée d’Italie ou de Piémont &c. La couleur du fruit a encore établi de nouvelles dénominations, parce qu’il s’est établi des variétés : de ces variétés, par exemple, certains pieds de mûrier rose, fournissent des fruits d’un blanc de cire, lors de leur maturité, tandis que le fruit des autres est violet tendre, & ensuite violet foncé, enfin violet noir. Il seroit, absolument parlant, possible d’établir des différences assez bien prononcées dans les espèces jardinières du premier ordre ; mais comment assigner des caractères spécifiques à celles du second ou du troisième ordre ? Tous les secours offerts par la botanique, sont en général superflus ; il ne reste que le coup d’œil guidé par l’habitude de voir & de comparer.

Le Mûrier sauvageon, celui qui n’est pas greffé, est le type de toutes les espèces jardinières cultivées dans le royaume. C’est le vrai chef de cette famille qui se subdivise en deux branches ; l’aînée fournit le sauvageon plus ou moins perfectionné par les semis ; & la cadette, supérieurement ennoblie par la greffe, choisie sur les plus beaux individus des semis, donne des feuilles sans découpures. Ainsi, les feuilles découpées, & à lobes, sont de la première division, & elles proviennent pour ordinaire, du franc, ou du franc greffé sur franc, & à feuilles découpées. Les feuilles entières, épaisses, & dont la forme approche de celle des feuilles du rosier, ce qui fait qu’on a appelé leurs arbres mûriers roses, constituent la seconde division. La dénomination de mûrier blanc, & de mûrier noir est abusive, à moins qu’on ne compare ceux de cette famille avec l’espèce & les variétés du N° II, dont