Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/193

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race que le canard, elle mange tout ce qu’on lui présente. Sa principale nourriture consiste en grains & en herbes sur pied, comme dans les prairies ; elles font beaucoup de dégâts dans les champs semés en blés, sur-tout lorsqu’ils montent en épi, ainsi que dans les vignes pendant les premières pousses, dans les jardins, &c.

Il n’y a nul profit à élever seulement quelques oies ; mais un grand nombre dédommage amplement de la dépense occasionnée par le guide qu’on leur donne, lorsqu’elles vont paître. J’ai vu cependant en Beaujolois des troupeaux considérables d’oie sortir d’elles-mêmes & sans guides, de l’habitation, gagner les prairies, y rester la journée entière, & chaque soir revenir sans le secours de personne. Une mère élevée à ce manège, conduit ses petits, & l’exemple une fois donné, se perpétue sans que le propriétaire y songe. Il arrive quelquefois qu’une trop grande sécurité est funeste au propriétaire ; des oies sauvages passent, s’abattent près des oies domestiques dans les prairies, il prend fantaisie à ces dernières de recouvrer leur liberté, & elles n’imitent pas celles des bords de la Loire, dont on a parlé. On prévient cet inconvénient en leur tirant quelques plumes des ailes ; ou lorsque l’oiseau est encore jeune, en lui cassant le bout de l’aile, vulgairement nommé fouet. Si on n’a pas des communaux, ou des endroits à soi, où on puisse les laisser paître, si on est obligé de les nourrir dans la basse-cour, elles coûteront plus qu’elles ne rendront. Une nombreuse éducation d’oies, lorsque les circonstances le permettent, assure un bon revenu ; on vend les grandes plumes des ailes, leur duvet, l’animal jeune & engraissé & l’animal confit : ainsi rien n’est perdu.

Il est avantageux de presser la ponte de la femelle, afin d’avoir de bonne heure des oisons ; ils sont déjà gros, lorsque le temps de les vendre jeunes est arrivé, & plus gros dans la saison de les engraisser & de les confire.

En multipliant la nourriture & sur-tout le grain, comme l’avoine, l’orge, le maïs ou gros millet, en faisant coucher la femelle dans un lieu chaud, &, s’il se peut, derrière un four qu’on chauffe une fois par semaine, il est sûr qu’elle se hâtera de couver : on connoîtra que le moment est venu, lorsqu’on verra l’oie porter de la paille à son bec, pour construire son nid. Alors on multipliera les brins de paille sèche & courte près de l’endroit qu’elle aura choisi. Si cet endroit n’est pas naturellement chaud, & éloigné du bruit, il convient de la détourner du premier choix, de rassembler dans le lieu qu’on désire pour elle, de la paille, des orties, (elles en aiment l’odeur) & d’y commencer un nid. Elle ira y déposer successivement ses œufs, sur-tout si on a l’attention de mettre de la nourriture près de là, ainsi qu’un grand vase plein d’eau, où elle puisse se laver, même pendant qu’elle couve. Lorsqu’on s’appercevra, après chaque ponte, qu’elle commence à rester plus long-temps sur ses œufs que de coutume, c’est une preuve qu’elle ne tardera pas à couver. L’oie connoît ses œufs, rarement elle se soumet à couver les œufs étrangers qu’on lui présente, & souvent elle les abandonne tous. Elle mange peu pendant l’incubation, mais il est bon qu’elle trouve du grain & de l’eau à sa portée.