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parer ; leurs cris inquiètent les autres, & elles restent plus long-temps à parvenir au point que l’on désire.

M. Pingeron, ancien colonel au service de Pologne, dit : (Journal économique 1768, p. 544) « l’oie est un oiseau domestique extrêmement vorace & glouton ; il fait peu de cas de la liberté, pourvu qu’on lui fournisse à manger. Les Polonois défoncent un pot de terre, dans lequel ils font entrer l’oie encore jeune, elle ne peut, en aucune manière, avoir la facilité de se remuer. On lui donne à manger autant qu’elle le désire. Le pot est disposé dans la cage, de manière que les excrémens de l’oiseau n’y restent point. À peine les oies ont-elles passé quinze jours dans une pareille retraite, qu’elles deviennent prodigieusement grasses & grosses. On brise le pot pour les en retirer, elles sont alors un mets délicieux. On nourrit ces oies avec la farine de maïs, (voyez ce mot) mêlée avec des raves bouillies, pour une plus grande économie. »

Ces nourritures farineuses & humectées rendent la chair délicate, produisent beaucoup de graisse, mais cette graisse est molle, & n’a pas le caractère de fermeté & de consistance nécessaires aux oies que l’on veut confire. Celles-ci demandent une nourriture plus sèche, les grains en nature, & les pommes de terres cuites ; le sarrasin, (voyez ce mot), est le moins nourrissant. Il faut environ quarante livres de maïs pour engraisser une oie, ou environ cinquante d’orge ou d’avoine. Dans les provinces où les figues sont abondantes, on a soin d’en faire sécher pendant la saison, & on leur en fait une pâtée avec d’autres grains, quand elles sont à l’engrais ; dans l’espace de quinze jours à trois semaines, les oisons & les oies sont au point de graisse qui leur convient. Quelques auteurs conseillent de leur plumer le ventre, avant de commencer leur engrais : je ne vois pas la nécessité de cette opération. Il est essentiel de tenir les oies prisonnières dans un lieu où elles ne puissent pas entendre les cris des oies en liberté. Les oies aiment beaucoup à avoir, dans tous les temps, leur coucher tenu proprement.

Si le goût carnassier de l’homme l’invite à donner des soins aux oiseaux de sa basse-cour, au moins ces pauvres victimes vivent gaiement, puisqu’elles ignorent le sort qui les attend ; mais l’oie infortunée, à peine voit-elle le jour depuis deux mois, qu’elle est plumée pour la première fois ; elle l’est encore un peu moins rigoureusement à la fin d’octobre, & elle seroit mise à nu, si l’avarice, plus forte que la compassion, ne faisoit trembler pour ses jours, par la crainte du froid. On plume aux jeunes oies le cul, le dessous des ailes & le dessous du ventre. En mars & en septembre on arrache les grosses plumes de l’aile, & après en avoir passé, à plusieurs reprises, le canon dans la cendre chaude, on les lie en paquet : l’opération de la cendre chaude dégraisse le canon de la plume & la dépouille d’un étui mince, membraneux & blanchâtre ; on appelle cette opération hollander les plumes.

« Lorsque les oies sont bien engraissées, (Journal économique, décembre 1757) on les tue, & on les laisse quatre ou cinq jours se faisander, après quoi on enlève proprement les cuisses de dessus la car-